Cap sur le désert !

Tazzarine, Timeganine, Zagora, M’Hamid

 

 

En quittant Tineghir, notre idée de départ était de nous rendre dans les fameuses dunes du « petit désert » de Merzouga que nous avions tant appréciées il y a une quinzaine d’années et plus. Nous en gardions le souvenir d’un endroit grandiose et encore sauvage dans certaines de ses parties et souhaitions y retourner avec Carlito.

 

C’est en rencontrant plusieurs voyageurs de nationalités différentes que nous avons changé notre fusil d’épaule. Tous en revenaient et en donnaient une image peu attirante, grosso modo : « c’est blindé de monde pour les fêtes de Noël et même les endroits autrefois sauvages sont désormais bordés de nombreux campements beberbéros-touristiques qui gâchent un peu l’expérience ». Du coup, aller dans le désert pour entendre le bruit des quads et des 4X4 en furie et voir les bus de touristes déverser leurs flots de curieux, ça devenait bof bof … D’autant que nous n’avons pas été privés de beaux et « désertiques » déserts ces dernières années sur le continent américain (Great Sand Dunes (ici) et White Sand Dunes (ici) aux US; le désert de Tatacoa en Colombie (ici), le désert chilien (ici) ou le désert mexicain pour ne citer qu’eux (ici) ).

 

Restant quand même avec notre idée de montrer à Carlito un désert marocain, nous optons finalement pour aller passer la fin de l’année à  M’Hamid. Enfin, en bordure, car nos amortisseurs avant étant totalement morts, il n’est pas question d’aller nous enfoncer dans le sable de l’Erg Chegaga avec le van. Nous prenons donc la route pour le sud-est, en direction de la frontière algérienne.

 

 

 

 

 

En passant par Zagora

 

Notre route s’enfonce dans un premier temps dans un désert de roches qu’on croirait calcinées !

 

 

 

 

Où sont donc passés les autochtones qui, sur le bord des routes, comme les boliviens à l’époque, lèvent le bras à notre passage pour qu’on s’arrête, croyant que nous sommes un colectivo ?! Il n’y a plus personne dans ces contrées hostiles, à part quelques dromadaires qui paraissent livrés à eux-mêmes …

 

 

 

 

Nous passons la nuit dans le chouette camping Serdrar Camp au milieu des champs de cailloux, à Timganine, quelques kilomètres au sud de Tazzarine.

 

 

 

 

Son propriétaire nous explique qu’au début des années 1980, son père avait acheté plusieurs hectares de terres alors fertiles qu’il cultivait avec succès, jusqu’à ce que les sécheresses répétées mettent un terme à son activité. La transition de l’agriculture vers le tourisme fut longue, mais aujourd’hui la famille s’enorgueillit de proposer des services de qualité que ce soit en hôtellerie, en fausses tentes berbères ou en camping. Je trouve étrange que l’eau de leur propre nappe phréatique soit sollicitée à des fins touristiques, mais je comprends aussi que nécessité fait raison pour qui a besoin de vivre au quotidien.

 

 

 

Quoiqu’il en soit, les plantes qui poussent et vivent au milieu de ces paysages désolés ont bien du mérite ! Ici, la dernière pluie date de 2020 …

 

 

 

 

Nous reprenons la route en direction de Zagora, la dernière grande ville avant le désert. Zone agricole, elle est aussi devenue la porte du désert pour les touristes et … le paradis des garages pour 4X4 !

 

 

 

Seul truc intéressant de l’étape, la délicieuse omelette berbère que je commande dans un snack et qui m’apporte toutes satisfactions gustatives hihi

 

 

 

 

Nous dépassons ensuite Tamegroute, une ville célèbre pour ses poteries émaillées de vert et située sur l’ancienne route des caravanes menant jusqu’à Tombouctou. Nous sommes étonnés de voir comme cette dernière qui n’était encore qu’un gros village il y a 15 ans, s’est développée.  Nous en gardions le souvenir d’un petit bled typique avec ses maisons en adobe et ses rues en terre battue ; nous y trouvons en plus une cité en béton sortie de terre, assez moche…

 

 

Tamegroute

 

 

Une question se pose alors : nous arrêtons-nous à la dune du Tinfu,  une espèce d’énorme monticule de sable que la nature a façonné au milieu de nulle part et qui a un look assez spectaculaire ? On dirait, toutes proportions gardées, un mini mini Great Sand Dunes. Nous en gardions un souvenir mitigé : à l’époque, des dizaines de vendeurs en tous genres, dont des chameliers,  sautaient sur les touristes à peine descendus de voiture, les harcelant littéralement pour qu’ils achètent leurs souvenirs. Qu’en sera-t-il aujourd’hui ?

 

Nous nous approchons mi-amusés, mi-inquiets.

 

Quand nous stoppons le van, personne à l’horizon…

 

 

 

Enfin c’est ce que nous croyons. A peine avons-nous mis le pied sur la dune, qu’un gars sorti de nulle part se place sur nos talons pour l’escalader avec nous. Il veut nous vendre un tour de dromadaire. Je lui dis poliment non, car nous n’avons pas le temps, mais il n’en démord pas : il veut convaincre mon mari. Trop contente de m’en débarrasser, je le laisse courir après Jérôme et Carlito hihi. Il a tôt fait de les rejoindre en haut de la dune pour les saouler décider. Et de se faire gentiment rembarrer.

 

 

Quand tu vois venir le traquenard de loin … « Salut les gars ! T’as vu la vue est belle ! Tu veux pas faire un tour de dromadaire ?! »

Ouais la vue est belle ! Tu veux pas nous laisser l’admirer peinards ?

Et ton fils ? Y veut pas faire un tour de chameau ?

Non ! Je préfère faire le con dans le sable !

 

 

Mais le gars n’en démord pas. Il veut que nous fassions du dromadaire ! Son argument est simple : pour être plus agréable aux touristes, une nouvelle pratique commerciale a été mise en place à Tinfu… Devant la lourdeur du gars, je brûle d’impatience de la connaître hihi. Il m’avoue qu’avant, les chameliers étaient un peu pénibles, se battant entre eux devant les touristes effarés (voire apeurés) pour emporter le « marché ». Mais cette époque est révolue, m’annonce-t-il fièrement ! Et … c’est vrai ! Je constate par moi-même que désormais il n’y a plus qu’un seul gars à la fois pour te harceler proposer ses services. Mais il ne te lâche plus : si tu fais un pas à gauche, il fait un pas à gauche, si tu lèves un bras pour te gratter la tête, il lève un bras pour se gratter la tête, si tu montes au sommet de la dune, il l’escalade dans ton ombre… Je suis impressionnée par l’amélioration des techniques commerciales, c’est vraiment bluffant hihi. 

 

 

Je vous attends en bas, alors, et je prépare les bestioles !

 

 

Au bout de 20 minutes passées avec notre bande adhésive berbère collée aux basques, nous décidons de nous en débarrasser en le ligotant et le jetant en bas du tas de sable en prenant la fuite à toutes jambes ! Mais il nous emboite encore le pas, faisant presque rempart de son corps pour que nous ne puissions pas démarrer. Plus chiant qu’un essaim de moustiques, mais plus encombrant aussi : impossible de s’en débarrasser en donnant un simple coup d’essuie-glace … ! Un coup de volant pour l’éviter et nous voici néanmoins repartis ! Nous sommes médusés et impressionnés par la sophistication des techniques de vente dans le coin hihi.

 

Une fin d’année aux portes du désert 

 

En fin de journée nous arrivons enfin à M’Hamid et stoppons chez Philippe (Esprit désert) dont le camping est bien noté. Comme je vous l’ai dit, il n’est pas question de nous lancer dans le sable avec le van à cause de nos amortisseurs, ni de nous installer en sortie de village à l’entrée du désert : il y a un rabatteur au mètre carré qui veut nous emmener promener en 4X4 ou dormir en bivouac. Il va falloir ruser ! Nous voulons juste nous balader un peu à pied, revoir ce qu’il y a à visiter à M’Hamid, éventuellement faire un tour de dromadaire et essayer de revoir une Française que nous connaissions d’il y a 15 ans et qui tient un Riad dans le coin.

 

 

 

Nous cherchons d’abord en vain Roselyne chez « Ma bonne étoile » : sa maison d’hôtes est désormais tenue par une gérante qui nous apprend qu’elle vit maintenant en France la plupart du temps. Bueno …

 

 

 

Puis, nous  filons dans les petites dunes qui s’étendent non loin. Les couleurs de fin d’après-midi magnifient les ocres du sable et tout cela est fort beau.

 

 

 

 

A tel point que nous y attendons le coucher de soleil.

 

 

 

Mais la nuit venue, il fait froid.

 

 

 

 

 

Au matin du 31 décembre, sans aucun plan de réveillon of course (c’est une tradition-malédiction : chaque année ou presque nous le foirons, même quand nous y mettons du nôtre), nous nous décidons avec Carlito à faire un tour de dromadaire. Une condition : que le chamelier soit muet hihi. Philippe, le proprio du camping, a la perle rare sous le coude : un gars qui ne parle que berbère. Au-moins, il ne risque pas de nous baratiner. On se décide pour une heure de balade, pensant que ce sera suffisant.

 

 

 

A l’aube d’une nouvelle expérience

 

 

Et c’est parti ! Ô joie, je ne me casse même pas la gueule de ma monture quand elle se met debout, mon Carlito non plus. C’est un bon début.

 

 

En haut et pas trop fier hihi

 

Peu à peu, nous trouvons ça très amusant. J’avoue que je n’en avais jamais fait.

 

 

 

 

Seul petit souci, mon dromadaire, un mâle dominant, salive de plaisir à l’approche de chaque femelle de son espèce, gonflant sa langue pour les séduire et nous gratifiant de toute une gamme de bruits insolites. Pour le silence c’est raté hihi

 

 

 

Quand ton dromadaire a la plomberie qui se débouche :mrgreen: 

 

 

Quoi qu’il en soit, le tour s’effectue sans soucis majeurs et nous revenons sains et saufs au campement vers midi. Bel exploit pour les 2 « Pierre Richard » que nous sommes !

 

 

 

 

L’après-midi, nous nous décidons à partir visiter le vieux M’Hamid où des maisons en adobe encore debout et habitées, côtoient d’autres maisons déjà effondrées.

 

 

 

Ce qui nous impressionne, c’est l’absence totale d’eau dans le Drâa qui courait ici jadis. Il reste des ponts pour l’enjamber, mais sans eux, on ne pourrait pas croire qu’il y a eu un fleuve ici. Nous posons la question et plusieurs réponses nous sont données : la faute à la sécheresse, à celle des barrages construits en amont, aux palmeraies qui précèdent et qui pompent trop d’eau. Chacun a son explication et on devine que la réponse se trouve dans une conjonction de facteurs. Toujours est-il qu’ici, le désert avance et l’exploitation du lieu nous laisse un peu sceptique. D’un côté l’agriculture a reculé (ce qui paraît presque logique), d’un autre la petite bourgade que nous connaissions il y a 15 ans s’est beaucoup développée et étendue, comportant de nombreuses infrastructures touristiques qui n’existaient pas. Nous comprenons que pour survivre, la population locale s’est lancée à fond dans le tourisme, pompant goulument ce qu’il reste d’eau dans les nappes phréatiques locales pour faire fonctionner leurs hôtels, chambres d’hôtes et campings. Si je comprends les locaux qui n’ont pas d’autres solutions, je me demande en revanche s’il est pertinent que des européens viennent monter des business ici, contribuant encore plus au tarissement d’une ressource naturelle précieuse et indispensable. M’enfin …

 

 

A droite le lit du Drâa et pas le drap du lit (ok, je sors)

 

 

Sur le retour vers le camping, nous parcourons encore une autre Kasbah en voie d’effondrement, mais son petit musée est fermé.

 

 

 

 

C’est le soir du 31 et nous avons décidé de dîner en compagnie de Philippe, de son incroyable  père (90 ans au compteur et alerte comme s’il en avait 20 de moins) et de ses quelques clients. Au menu, couscous ! Et pain des sables.

 

 

 

 

Nous observons longuement le berbère qui est venu nous le cuire. Après avoir fait la pâte d’un côté, il prépare sur le sable une braise brûlante. Quand celle-ci est suffisamment chaude, il écarte les charbons ardents, fait un petit trou dans le sable, place directement sa galette de pain dedans, le recouvre de sable, puis de braises. Quelques minutes après, un délicieux pain bien gonflé et croustillant est retiré du sable. Il n’y a plus qu’à le brosser pour qu’il ne craque pas trop sous la dent, puis à le déguster !

 

 

Préparation de la pate

 

 

Nous passons une bonne soirée, malgré la tablée d’espagnols qui se trouve à nos côtés. Décidés à faire bande à part au bout de la grande table commune, ils n’adressent la parole à personne et cachent sous leurs chaises leurs bières et bouteilles de vin pour ne pas à avoir à en offrir aux autres. Il faut dire que le repas se fait sans alcool, car il n’est pas très facile d’en trouver dans le coin. Voir ces gens picoler en douce est absolument ridicule et me fait ricaner. Quel contraste avec la générosité dont les populations sahariennes font habituellement preuve avec les visiteurs ou avec l’hospitalité générale des Marocains ! Nous sommes ici face au tourisme dans ce qu’il a de plus crétin  : des gens qui paient une prestation, consomme du paysage (en l’occurrence de la dune car il s’agissait de quatre-quatreux), se comporte comme certains bons occidentaux égoïstes qui ne s’intéressent à rien d’autres qu’à eux en voyage et rentrent dans leur pays d’origine en cochant la case « cette année « j’ai fait » le désert ». Bref …

 

Nous nous réveillons à M’Hamid en ce 1er janvier 2024. Nous décidons de poursuivre notre chemin goudronné vers l’ouest, au sud la route n’existant pas. M’Hamid est, en effet, un cul-de-sac pour qui n’a pas de 4X4 susceptible de poursuivre dans le sable. Pour nous, ce sera pour une prochaine fois …

 

 

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