Aventuriers malgré nous dans un décor paradisiaque

Cancun, Valladolid, Mani, Isla Aguada, Sierra Juarez, Oaxaca

 

Nous voici donc sur le départ, pas trop trop fiers compte tenu des circonstances décrites dans le précédent article, mais bien décidés à franchir la frontière colombienne  !

 

Cancun, mi amor

 

 

Samedi 12 mars, 11h30 : le vol 222 d’Avianca à destination de Cancun ne s’envole pas. Ben non, c’est ballot, la tour de contrôle vient de découvrir des trous dans la piste. Vite !!! Une réparation à la colombienne s’impose : les préposés jettent quelques brouettes de terre (ou presque) dans les nids de poule, bloquent tout le trafic aérien du coin et … c’est reparti ! Avec une heure de retard, malgré tout.

 

 

 

 

Par chance le temps est magnifique et le vol se passe à la perfection, jusqu’au moment où le pilote nous annonce que nous n’allons pas atterrir à Cancun, mais voler en « hippodrome » à proximité car des tombes d’eau sont entrain de se déverser sur l’aéroport. Misère !!!! Ces maudites pluies nous poursuivent ! Nous sommes les grands chamans du mauvais temps, les « gatos negros » du climat. Un tour, 10 tours plus tard, il est temps de se poser en plein orage. Tandis que les turbulences font pousser des cris  aux passagers du fond (pour une fois je n’exagère pas), l’avion se pose finalement sans encombre sur une piste presque inondée. Pffffffffffff « que pereza »!

 

 

La sortie de l’avion est, elle aussi, rocambolesque : l’immense douane est pleine à craquer de voyageurs et respecter les consignes de distanciation de 1,5 m entre chaque personne créerait une file de 2 kms sur le tarmac. Entassés, nous partageons donc de bon coeur nos éventuels miasmes avec les autres. De fil en aiguille nous finissons par récupérer nos 125 kgs de bagages (vous avez bien lu, on sait voyager léger) et contactons le propriétaire du storage/camping où se trouve notre nouveau véhicule de voyage, pour qu’il vienne nous chercher.

 

 

 

 

On ne sait pas encore que le mec en question (un canadien anglophone) est aussi sympa que Hannibal Lecter dans Le silence des agneaux et que, sans nous cuisiner aux petits oignons, sa maladie mentale va rendre notre séjour d’une nuit dans son camping assez pénible. Basiquement nous rencontrons un gars totalement anxyogène et d’une avarice maladive, parlant en anglais avec un fort accent américain qu’il exagère à dessein, le tout le plus vite possible pour impressionner son interlocuteur. Sa diarrhée verbale, qu’il déverse en continu sans te laisser le temps de respirer, ne délivre que des conseils pour te sauver des situations périlleuses qui vont « forcément t’arriver au Mexique – parce que c’est le Mexique et que c’est hyper dangereux et que tu vas mourir si tu sors de son camping – et qu’il t’a bien prévenu – et que tu viendras pas pleurer si tu te fais enlever ou que ton véhicule est saisi par la police ». Le gars est si toxique que si nous n’avions pas connu le pays avant, nous en serions repartis le jour même la peur au ventre.

 

Sur ce, Hannibal Lecter toujours sur nos talons, dans l’obscurité de la nuit tombante et sous une pluie battante, nous découvrons notre camping-car (acheté sur internet à des voyageurs français). Un monstre américain de 9 mètres de long, vieux de 25 ans. La déco intérieure, pure jus années 60, avec meubles en bois massif, banquettes défoncées en vieux velours vert, tapisserie à fleurs, formica et stores déglingués, fait plus penser à un squat qu’à un véhicule de voyage. A ce moment là, j’hésite entre me pendre ou me jeter dans les bras d’Hannibal Lecter.

 

Ce dernier n’en démord pas : comme le véhicule n’est pas encore à notre nom, nous ne pouvons pas quitter son camping car la police nous le confisquera au premier contrôle (au bout de la rue). Comme le camping est situé en rase campagne, loin de tout (pas une tienda à l’horizon), le mec jubile : nous dépendons de lui pour tout et sommes ses otages, de facto. Or, nous n’avons rien pour manger. Pas de souci, Hannibal propose son menu de base à prix d’étoilé. Si nous souhaitons aller faire des courses sans le camping-car (qui va être confisqué, vous avez suivi), il nous louera sa voiture 80 dollars les 3 heures (une Kia pas une Porsche) , car les taxis ne viennent pas dans cette zone, ni les UBER.

 

Nous nous couchons harassés et dépités. 

 

Au matin, avec la clarté du jour, nous constatons que le camping-car est heureusement moins pourri que nous ne l’avions cru la veille. Bien sûr, nous ne souhaitons pas rester dans cet endroit joli mais glauque. Hannibal nous présente donc la note, tout en continuant à nous prédire et à nous souhaiter le pire : les prix – déjà hors concours pour le Mexique – annoncés la veille ont augmenté de 20 % dans la nuit ! Je demande à sa femme de m’imprimer deux feuilles : il me facture chacune d’elle 10 centimes, au final 30, car il ose me compter celle qui est sortie toute pourrie de l’imprimante par faute de sa tendre et chère. Un dingue !!! Quelques noms d’oiseaux plus tard, nous quittons les lieux délestés de la modique somme de 130 dollars US. Furieux.

 

Un petit véhicule qui se cache bien derrière un arbre

 

 

Dilemme 

 

 

Ce qui nous fait flipper, ce ne sont pas tant les mises en garde d’Hannibal, mais le fait que les anciens proprios du véhicule sont par mégarde partis au Guatemala avec ses papiers. Que faire ? Rester chez ce fou le temps de les recevoir ou s’enfuir loin de cette zone pourrie de Cancun ? Entre affronter les contrôles de police ou rester chez ce psychopathe, le choix est vite fait : les flics et les risques qui vont avec !!! Ces (bientôt) 7 dernières années en Amérique latine m’ont permis d’étudier un concept juridique intéressant et méconnu en Europe ou USA qui est celui de la « dilatation de la règle de droit » : en fonction de ton interlocuteur, cette dernière peut se tordre à ton avantage, surtout si tu sors un petit billet, car elle est également soluble dans l’argent liquide. Il arrive, bien entendu, que tu joues et que tu perdes, c’est un peu comme la roulette russe… Mais on prend le risque. Surtout que le beau temps et la chaleur sont revenus ce qui nous redonne le moral.

 

Pour éviter de croiser trop de contrôles de police, grâce à l’application Ioverlanders où les barrages fixes sont géolocalisés, nous empruntons alors tous les chemins vicinaux jusqu’à Valladolid hihi. On connaît cette ville du Yucatan : c’est là que nous avions passé notre 31 décembre 2020 seuls dans le camping avec notre bol de pop-corn comme dîner de gala hihi.

 

 

Valladolid

 

Le lendemain, nous reprenons la route en direction du nord-Campeche où nous stoppons à Mani. J’adore ce pueblo magico, déjà visité lui aussi.

 

 

 

Si nous nous dépêchons beaucoup, c’est que nous devons être à Oaxaca (à 1400 bornes de là) avant le 17 mars pour récupérer notre second camping-car, acheté à Jean-François, un autre français qui rentre en France ce jour-là.

 

On y croit encore quand, au milieu de nulle part, dans l’immense savane du Yucatan, un gros bruit sous le CC nous indique qu’on va avoir des problèmes. La route est hyper étroite et il y a pas mal de camions : le temps de s’arrêter et une des roues du jumelé arrière explose avec fracas. Juepucha ! Ça commence ! Impossible de faire quoi que ce soit sur cette route, ce serait trop dangereux. Une prière à Dios et une à la défunte Correa plus tard (souvenez-vous de l’Argentine et de nos histoires de roulements hihi), nous repartons tout doucement en attendant de trouver un endroit où nous arrêter. Et là, milagro !!! 1km plus tard, nous tombons sur une llanteria qui nous change la roue. C’était bienvenue car, à y regarder de plus près, nous n’avons aucun matos sérieux dans le CC pour le faire nous même. Pffffffffff

 

 

 

Un havre de paix : Isla Aguada !

 

 

En fin d’après-midi, remis de nos émotions, nous arrivons au camping de Isla Aguada dans le golfe du Mexique. Nous pensons n’y passer qu’une nuit, mais il faut être réalistes : nous n’aurons pas le temps d’être à Oaxaca le 17 mars.

 

 

 

 

Du coup, stressés et épuisés, nous y passons 3 nuits (comme en 2020-21 : cf. notre Noël de rêve dans ces lieux), ce qui donnera le temps à Carlito de s’essayer avec succès au surf pour la première fois de sa vie.

 

 

Brice

 

J’adore ce pueblo  et nous y faisons la connaissance d’un couple de canadiens en panne avec un bus luxueux valant le prix d’une belle maison et d’une famille de français en voyage. Le top : Jérôme est ravi de faire de la mécanique pour le voisin (allez savoir…) et nous passons une bonne soirée avec Karine, Tony et leurs 2 ados.

 

 

Le plus dur reste néanmoins à faire

 

 

Le plus dur est encore devant nous car nous n’avons pas fait la moitié des kms et à partir de là, il n’y a plus aucun moyen d’esquiver les contrôles de police. Et de fait, nous les enchaînons : les polices municipales, la police fédérale, les barrages de militaires… Parfois coup sur coup, parfois tous les 100 bornes. A chaque fois nous retenons notre souffle : au mieux on nous laisse passer sans rien demander, au pire le policier demande d’où nous venons et où nous allons. Notre stratégie est plutôt bien rodée : je laisse Jérôme baragouiner et n’interviens que si je sens l’interlocuteur plus tatillon.

 

 

 

 

Jusqu’à ce énième barrage où la police fédérale nous fait garer sur le côté. Inspection du véhicule. Cette fois nous sommes cuits, pensons-nous. Evidemment on ne transporte rien de répréhensible, mais on n’a toujours pas nos papiers à présenter. Une policière en tenue de guerre, casquée, mitraillette, monte dans le CC bien décidée à voir ce qu’il contient. Mais, à peine a-t-elle gravi les marches que je la sens toute gênée : genre « oups j’ai oublié de m’essuyer les pieds en entrant ». Elle se confond en excuses et ressort en nous disant que nous pouvons repartir. Ouf !!!

 

 

Photo trouvée sur internet, mais la dame ressemblait en tous points à ça

 

Ce sera notre dernier contrôle du voyage Cancun-Oaxaca. Alors que nous avions fait le reste du trajet en plaines sur des routes rectilignes, il nous reste 260 bornes de pure montagne pour rejoindre Oaxaca. Il est 14h quand nous nous lançons à l’assaut de la Sierra via la route 175. Le paysage de plaine et le versant est de la Sierra sont d’abord de type équatorial, ce qui nous fait penser aux paysages colombiens. Tout comme la route étroite et sinueuse et le climat qui devient subitement pluvieux et plein de brouillard. Nous avançons à 20 à l’heure avec notre encombrant véhicule, les virages s’enchaînent pendant des dizaines et des dizaines de kms. Nous ne ne voyons pas plus loin que le bout du capot. Quand nous franchissons le col à 3000 mètres, vers 17H, nous sommes inquiets car il fait un froid de canard et il n’y a nulle part où dormir. C’est juste la haute montagne, la forêt, la pluie et le brouillard. Pas très engageant.

 

 

Bien que le nuit tombe, nous décidons de continuer. Et c’est finalement le bon choix. A peine le col franchi, le brouillard disparaît, tout comme la pluie, et la végétation devient brutalement de type méditerranéen. Incroyable ! La route 175 est toujours aussi dangereuse, mais on retrouve notre vision. C’est à la nuit déjà bien noire que nous nous garons pour y dormir sur le parking d’une station-service à l’entrée du seul pueblo rencontré depuis 150 bornes. Tout est au mieux. Et devinez quoi ?! Un barrage volant de police anti drogue vient s’établir pour la nuit à 50 mètres de nous hihi, mais personne ne nous demandera rien.

 

 

What else ?!

 

Ce n’est que le lendemain que nous arrivons enfin à Oaxaca, accueillis par les magnifiques jacarandas en fleurs ! Enfin !!!! J’écris de ce pas à Hannibal pour lui raconter que les sorts lancés n’ont pas eu l’effet escompté !

 

 

8 pensées sur “Aventuriers malgré nous dans un décor paradisiaque

  • 24 mars 2022 à 0 h 03 min
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    Whaou! C’est de l’aventure, pas de bol avec votre « americano-canadien ». Vous vous en êtes bien tiré. Merci pour le récit passionnant.

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    • 24 mars 2022 à 0 h 12 min
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      Merci à vous d’être aussi méticuleux et honnête !

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  • 24 mars 2022 à 16 h 02 min
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    J’ai pas tout compris… pourquoi l’achat de 2 camping car ?! et comment … après 4 ans en Colombie Jérôme baragouine t il
    Bravo au surfeur et à ses parents pour lui offrir une telle vie d’aventuriers

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  • 24 mars 2022 à 16 h 08 min
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    Bon courage à vous et bonne chance pour la suite.

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  • 24 mars 2022 à 20 h 41 min
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    Quel suspens ! Ce récit nous tient en haleine ! Hâte de connaître la suite Bonne route !

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    • 25 mars 2022 à 17 h 23 min
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      Merci beaucoup ! J’espère juste que ce sera un peu plus calme hihi

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  • 25 mars 2022 à 10 h 28 min
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    J’adore suivre vos aventures, j’ai hâte de connaître la suite !

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  • 28 mars 2022 à 21 h 19 min
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    Contents d’avoir de vos nouvelles mais Jérome doit plus que se débrouiller s’il veut rester dans ce pays ! Attention au 3eme trimestre !! Bisous à vous 3

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