Le Panama : entre délires sanitaires, ouragan et trombes d’eau

Panama City, Fuerte San Lorenzo, Portobelo, Boquete, Boca chica, El Valle de Anton et (par la force des choses) tous les centres commerciaux croisés ^^

 

 

Après 6 mois de confinement et un an sans voyage, auriez-vous choisi un vendredi 13, 13 heures pour vous échapper de votre pays d’adoption ? Pour notre ami Marcus, ancien capitaine au long cours, c’était forcément se mettre à dos toutes les puissances du mal et se condamner aux pires déboires pendant notre séjour. Pour nous, c’était juste la date qui nous convenait le mieux. L’avenir nous dirait qui avait raison ou tort hihi.

 

Panama, c’est par-là !

 

Quand nous arrivons à l’aéroport de Medellin, nous n’en menons pas trop large. L’ambiance est triste à mourir : le hall d’entrée est vide, le tarmac est déserté par les avions et les écrans au-dessus de nous annoncent une activité aérienne des plus restreintes. Premier stress : nous avons oublié de faire le « check mig » colombien, c’est à dire de remplir la fiche d’infos sanitaires nous concernant. Comme nous quittons la Colombie, et qu’aucun site internet ne nous l’avait signalé avant, je n’avais pas du tout pensé à faire cette formalité que je croyais réservée aux entrées sur le territoire colombien. Première gaffe involontaire d’une future longue série de « il fallait deviner les nouvelles règles liées au conarovirus ». Vite, je bondis sur nos tablettes pour nous inscrire. A une heure près, nous sommes encore dans les temps pour le faire. Après, nous restions à Medellin. Ambiance.

 

Je regarde le ciel que je trouve bien couvert. Voilà des semaines que nous nous prenons sur la tête des trombes d’eau en lien avec toutes les tempêtes tropicales qui sévissent dans la zone. L’une d’entre elles, Iota, est entrain de se former et j’espère que nous aurons le temps de nous faufiler entre celle de la nuit passée et cette dernière.

 

 

Les prévisions météos quand nous décollons

 

 

En attendant de décoller, je vérifie une dernière fois que nous avons bien avec nous nos tests antigéniques pratiqués l’avant-veille à Medellin car le Panama exige des résultats négatifs de moins de 48 heures pour pouvoir entrer sur son sol. Dans le pire des cas, je sais qu’il est possible de les pratiquer à l’aéroport de Tocumen à l’arrivée, mais il y a un risque : si les résultats sont positifs tu es envoyé à tes frais en quarantaine dans un hôtel-hopital de la ville pendant 14 jours. 14 jours ! Quand on connaît l’hospitalité très relative des panaméens et leur inorganisation légendaire, gloups, ça fait froid dans le dos !

 

 

En route !

 

 

Au moment où l’avion décolle, une magnifique trouée de ciel bleu apparaît. Chouette, c’est de bon augure ! Et de fait, tout s’enchaîne parfaitement : vol calme (ce qui est rare dans les parages), atterrissage à l’heure, aéroport désert, passage des douanes en 3 minutes (quand on connaît Tocumen, c’est un miracle). Les préposés au conarovirus acceptent sans moufter nos tests. Bref, en moins de 2 heures depuis le décollage, location de voiture comprise, nous sommes sur le sol panaméen. Hourra ! Nous sommes tellement contents d’être là !

 

 

La preuve qu’enfin nous y sommes !

 

 

 

Panama, c’est la crise

 

Voilà plus de 30 mois que nous ne sommes pas revenus à Panama City et au Panama tout court, pays que nous adorons pour plein de choses et détestons pour beaucoup d’autres (vous allez comprendre bientôt). La quarantaine, ici aussi, s’est éternisée pendant plus de 6 mois, très strictement. Les statistiques du conarovirus ne sont pas très bonnes dans le pays, mais ce qui nous choque le plus c’est l’état de pauvreté dans lequel la ville s’est enfoncée. Certes, les beaux quartiers semblent n’avoir été que peu affectés, bien que de nombreuses boutiques aient mis la clef sous la porte, mais les barrios déjà pauvres ont littéralement sombré. Il faut dire qu’au Panama les inégalités sociales sont terrifiantes, dans la mesure où 1 % de la population possède 82 % des richesses et qu’un panaméen sur 4 vit avec moins de  2 dollars par jour (par comparaison, en ville, 500 g de brocolis coûte 1,5 dollars et un ananas entre 1 et 2 dollars selon les quartiers). Je n’ai pas eu le coeur de photographier les quartiers pauvres, mais ces photos de quartiers intermédiaires vous montreront déjà dans quels taudis beaucoup de gens ont passé leur « simoizaine » à Panama City. Sans aides ou presque, bien sûr. 

 

 

 

 

Au Casco Viejo, le « petit Carthagène » de Panama, c’est la déroute totale. Le jour où nous le revisitons, ce quartier hautement touristique en temps normal est désert. La plupart des restos et des hôtels sont à vendre, seuls quelques marchands de souvenirs sont encore présents pour vendre des babioles à des clients qui ne viendront pas. Ils ont l’air défaits, vaincus par la vie. Un chat passe, quelques femmes en tenues folkloriques font malgré tout des photos.

 

 

 

 

Pendant ce temps, Iota la tempête tropicale qui succède à Eta, l’ouragan qui a fait des ravages quelques jours plus tôt sur le Panama et l’Amérique centrale, se transforme à son tour en ouragan catégorie 5. Il est temps de nous reconfiner ! Punaise, ça faisait longtemps  ! Des vents et pluies violents se déchaînent au-dessus nos têtes, mais par chance pour nous, Iota ne causera pas de dégâts là où nous nous trouvons, tandis que nous apprendrons le lendemain que l’île colombienne de Providencia a presque été rayée de la carte. Mais quelle sinistre année !

 

 

Sale temps pour les braves

 

 

A propos de sinistre année, nous nous heurtons de plein fouet aux absurdités anti-covid du pays. Et comme partout dans le monde, ici aussi on nage en plein délire. Aurions-nous souhaité nous rendre sur les plages ? C’est interdit ou, au-mieux, limité à 6 personnes devant porter un masque. Aimerions-nous nous balader dans un des superbes parcs de Panama City ? Il faut réserver à l’avance (ce que nous n’avions pas fait pour aller au parc métropolitain, faute de le savoir, ce qui nous a valu une longue discussion avec le gardien pour pouvoir quand même y faire un tour, avec désinfection obligatoire des mains des fois que nous contaminions un arbre). En revanche, les très nombreux centre commerciaux, fiertés panaméennes absolues sont ouverts à tous, moyennant une prise de température et un lavage de mains à l’entrée de chaque boutique (ce qui est bien bien relou). Il faut dire qu’au Panama, il y a des malls à l’américaine partout, partout, partout. On dirait que ces monuments des temps modernes cristallisent toute la fierté nationale, comme un désir de prouver aux américains de Floride que les panaméens peuvent garder la tête haute face aux malls de Miami et d’Orlando.  Le pays entier tombe en décrépitude un peu partout, les gens crèvent la dalle, mais les centres commerciaux sont tous feux tous flammes. Et il n’y a aucune restriction pour s’y promener.

 

Malls …

 

 

versus quartiers effondrés :

 

 

Mais dans quel monde nous fait-on vivre ? Comme les colombiens, les panaméens semblent très effrayés par le virus et portent tous parfaitement leur couche-culotte sur le visage, des plus riches aux plus pauvres. Petite nuance : ici le masque a souvent une forme conique, ce qui fait dire à Carlito que tous les gens semblent sortis d’une gravure du Moyen-Age représentant des médecins luttant contre la peste. C’est effrayant.

 

 

Panama au temps du conarovirus

Braquage avec un pistolet de gel hydro-alcoolique

 

 

Panama, loin de Panama City

 

 

Entre 2 averses et 2 bourrasques, nous nous hasardons malgré tout à traverser le Pont des Amériques qui enjambe le canal de Panama.

 

Le pont de l’Atlantique, côté … Atlantique !

 

Direction le fort San Lorenzo au bord de l’Atlantique, à proximité des écluses de Gatun. Par  chance, le site est ouvert au public sans autres exigences qu’une prise de température, un lavage de mains et 5 dollars par personne.  Comme toujours dans ce pays, nous passons de l’enthousiasme absolu chaque fois que nous croisons inopinément une bestiole surgissant de la jungle qui borde les routes, au désespoir le plus profond quand nos yeux se posent sur les monceaux d’immondices qui souillent la nature, détruisent les mangroves et empoisonnent les humains comme les animaux. D’ailleurs, chaque fois qu’un panneau « ne pas jeter vos poubelles » est planté quelque part, vous pouvez être sur qu’il disparaît sous les déchets. Les panaméens, qui vivent à l’américaine, produisent en moyenne 2 kilos de déchets par personne et par jour, seuls 60 % d’entre eux étant collectés et traités, le reste partant à la mer faute d’une volonté politique forte et en raison de la corruption. Ce pays est dégueulasse ! J’ai honte pour ses dirigeants et honte de l’espèce humaine tout court.

 

 

Hé ! T’as pas de la coke ?!!!

Et des ordures, des tonnes d’ordures

 

 

Bref, nous finissons par nous effrayer un chemin entre forêts, animaux et poubelles quand nous débarquons au Fort San Lorenzo, vestige de l’époque coloniale espagnole du 16ème siècle, stratégiquement situé à l’embouchure du Rio Chagres. Détruit et reconstruit à plusieurs reprises, sa visite présente surtout un intérêt nostalgique car il n’en reste pas grand-chose. Le site est malgré tout magnifique et bien exposé aux pluies atlantiques qui nous contraignent à battre en retraite rapidos hihi. Bon, au moins, on aura vu.

 

 

 

Jamais lassés de faire des kilomètres, nous enchaînons, 50 bornes plus loin, avec d’autres forts du même âge à Portobelo, petit village endormi, sale et totalement décati. Trois étoiles dans le guide nous ont convaincu de pousser jusque-là, mais, vraiment, nous ne comprenons pas pourquoi. Peut-être l’attrait des plages et des îles voisines ? Mais, en l’occurrence, nous n’avons pas le droit d’y accéder. Grosse déception. On se barre. Et toujours ces poubelles éventrées et puantes qui jonchent les routes… Punaise ! Peuple panaméen réveille toi et révolte toi !

 

 

 

 

Le surlendemain, nous mettons le cap sur Boquete, petit village situé à l’autre bout du pays à proximité du Costa Rica. Miracle ! La panaméricaine est aussi rectiligne qu’une route argentine, gratuite et en relatif bon état. Pour que chacun puisse bien profiter de ce bonheur, l’État Panaméen a pensé à tout : il a posé une limitation de vitesse à 80 km/h et un flic toutes les 10 bornes pour la faire respecter. Le temps s’étirrrrrrre pour arriver à ce mignon pueblo de montagne aux températures beaucoup plus agréables qu’ailleurs. Envahi par les gringos, il pourrait prétendre devenir le 51ème Etat des USA.

 

 

Soudain, chez les gringos, les poubelles ont disparu

 

 

 

Nous ne sommes pas spécialement venus faire du tourisme à Boquete, mais, accessoirement, nous pensions quand même pouvoir y randonner un minimum. Erreur ! L’État panaméen (encore lui) a posé une règle que Castex n’aurait pas reniée : à Boquete, il a carrément interdit de randonner sur les chemins en pleine nature pour éviter que les gens ne se contaminent. Et comme il a plein de fric à gaspiller, plutôt que d’aider les pauvres, il paye des gardes à l’entrée de chaque chemin pour refouler les récalcitrants. C’est tellement con que nous en restons médusés. Du coup, Boquete sans pouvoir randonner, c’est comme les stations de ski sans remontées mécaniques. Je ne vous fais pas de dessin hihi

 

 

 

 

Pour avoir le coeur net de l’ampleur du délire sanitaire panaméen, nous redescendons en bord de Pacifique dans le pueblito de Bocas Chicas. C’est mignon et propre (pour une fois), mais  également soumis à restrictions.

 

 

 

Voyager dans ces conditions n’ayant aucun intérêt, nous décidons de rentrer à Panama City, via El Valle de Anton , petite ville nichée dans le cratère d’un volcan éteint depuis 13 000 ans.

 

 

El Valle sous la pluie

 

Pfff … je ne sais pas si c’est la malédiction du vendredi 13 qui nous poursuit, mais nous arrivons sous la pluie et le brouillard à El Valle. La route qui permet d’y accéder, tout comme son axe central, sont littéralement défoncés. A tel point que je finis par me demander si les voies n’ont pas été canardées à coups de mortiers : le goudron est entièrement parsemé de profonds trous…

 

 

Il pleut et il fait nuit. Nous partons dîner à pied dans un village qui s’organise autour d’une trrrrès longue rue, sans centre-ville. L’éclairage public est défaillant. Ambiance. C’est avec un certain soulagement que nous trouvons par hasard un resto ouvert. En plus, il a l’air sympa et le menu nous plaît ! Hourra ! A peine avalée une délicieuse première gorgée de bière qu’une coupure générale de courant plonge le village dans le noir… Incroyable. Enfin pour nous, car la dame du resto nous apprend que cela fait partie du folklore local. Et, en effet, un quart plus d’heure, la lumière refait son apparition. Aaaarf ! J’ai rarement vu un pays aussi mal tenu !

 

ça va les gars ?!

 

Bon, alors, que vous dire Del Valle ? Pour être franche, nous avons détesté et la seconde coupure d’électricité du lendemain pendant plus d’une demie journée n’y est pour rien. Covid obligeant, la plupart des activités étaient fermées, le village anéanti par la quarantaine était triste à mourir et, cerise sur le gâteau,  la seule petite marche (payante) que nous avons pu faire en bord de rivière était révoltante. Non seulement, le site était jonché d’ordures, mais la pauvre rivière puait les égouts que la ville reverse dedans. Une honte encore une fois. Bref, nous devions passer 2 nuits à El Valle, mais nous avons préféré faire cadeau à l’hôtelier de la seconde, pour nous barrer le plus vite possible et revenir dans la capitale !

 

 

 

Et c’est ainsi que nous nous sommes assis sur la terrasse de notre logement, observant longuement les bateaux entrant et sortant du Canal de Panama, en méditant sur notre société complètement déboussolée. Le commerce extérieur de la Chine et des pays asiatiques se porte  merveille à en juger par les milliers de containers nous passant sous le nez. Pendant que le Canal fait des bénéfices prodigieux, à ses côtés 3 millions de panaméens crèvent dans une pauvreté crasse. Mais tous sont bien protégés du conarovirus par leurs masques en papier. Un pélican passe. Il vient de pécher un sac en plastique qui le fera s’étouffer sous peu. Tout est bien dans le meilleur des mondes…

 

2 pensées sur “Le Panama : entre délires sanitaires, ouragan et trombes d’eau

  • 25 décembre 2020 à 21 h 30 min
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    Que j’aime vous suivre. Les poubelles sont partout mais comment en vouloir à ces gens pauvres qui ont de préoccupations plus importantes que de s’occuper de leur poubelle. J’aime beaucoup votre humour. Continuez!!

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    • 30 décembre 2020 à 1 h 28 min
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      Les gens pauvres ont d’autres préoccupations, surement. Mais les hommes politiques ont le devoir de s’en occuper, me semble t il … M’enfin … que faire ?

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