San Carlos, Cocorna (oriente antioqueño)
A proximité de Medellin, voir également le village de San Rafael , celui de El Peñol et les villages du Carmen Viboral, El Retiro et la Ceja
Voir également la réserve naturelle de Rio Claro, San Luis et Puerto Triunfo.
Aujourd’hui, on arrête de rire 5 minutes pour aller faire un tour dans l’Antioquia profonde, loin des circuits touristiques classiques.
C’est vrai, après tout ! Pourquoi toujours voir et parler du meilleur, quand le pire existe aussi ? (c’est de l’humour les gars)
Ce blog, comme d’autres, a jusqu’ici véhiculé une image positive et optimiste de la Colombie. A me lire, on pourrait presque croire que le paradis se cache ici. Ce qui n’est par entièrement faux. Mais, il a longtemps été bien gardé, et le demeure malheureusement encore, par les (ex)FARC, l’ELN, les paramilitaires et les narcos.
Tous les blogs de voyage vous le diront : la Colombie est un nouvel eldorado du tourisme. C’est surement la vérité et beaucoup de régions en profitent vraiment. D’autres, encore minées par les guerillas au sens large ou par les conséquences de l’accord de paix avec les FARC, continuent à souffrir. Leurs habitants et leaders sociaux, malmenés, déplacés, voir assassinés en subissent les conséquences les plus sordides. Inutile d’expliquer qu’y faire du tourisme n’y a aucun sens.
Pour tous ceux lisant l’espagnol, je vous renvoie au document mis en ligne par la Fundacion Paz y Reconciliacion : « Como va la paz, 2018« . Il donne une bonne idée de la violence qui sévit encore ponctuellement dans le pays. Inutile de vous affoler si vous souhaitez venir visiter la Colombie car vous n’avez rien à faire dans ces zones. Néanmoins, inutile également de nier que pour certains autochtones la vie y est encore très dure.
Parmi les départements concernés figure malheureusement l’Antioquia où nous habitons, en particulier sa zone nord. Si les habitants de Guatapé sont fiers d’affirmer que leur pueblo et ses environs sont désormais des zones saines, tel n’a pas toujours été le cas (voir mon article sur Guatapé). Non loin, d’autres villages commencent aussi à remonter la pente et c’est d’eux dont je voudrais parler aujourd’hui. Allez y faire un tour ! Non seulement vous vous échapperez des circuits touristiques classiques et pourrez y rencontrer « la Colombie profonde », mais en plus vous aiderez leurs habitants à s’en sortir !
J’irai dormir à Cocorna …
La première fois que nous avons mis un pied à Cocorna, nous ne connaissions ni l’histoire du village, ni l’émission « J’irai dormir chez vous ». Autrement, nous n’y aurions jamais mis un orteil hihi.
L’histoire du village est aussi classique que terrible pour ce pays. A Cocorna, il est coutume de dire que les morts liés « au conflit » (euphémisme politico-journalistique pour désigner l’innommable) étaient si nombreux que les mules avaient pris l’habitude de se rendre seules au cimetière pour y déverser les cadavres des victimes (El tiempo, « Cocorná, el pueblo en el que casi todos son víctimas »). 95 % de ses 21 000 habitants auraient été concernés par la barbarie.
Pour la malchance des villageois, le village avait été fondé au 18ème siècle dans un lieu géographiquement favorable et stratégique. L’ELN et le FARC le comprirent à leur tour quelques décennies plus tard, luttant pour s’approprier cette zone. Les affrontements furent si violents et les assassinats de villageois si nombreux, y compris par mines antipersonnel, qu’au début des années 2000 seuls 5000 habitants continuaient à vivre à Cocorna, refusant avec courage d’abandonner leurs terres. Il fallut attendre 2010 pour que les forces publiques évincent définitivement les FARC de Cocorna, l’ELN ne s’y étant pas maintenu.
C’est dans ce village jadis martyrisé mais aujourd’hui réhabilité et « libre de mines antipersonnel » qu’un journaliste que je ne connaissais pas (faute d’avoir la télé depuis longtemps) a tourné l’émission « J’irai dormir chez vous ». Je n’avais jamais regardé cette émission dont tout le monde m’avait dit le plus grand bien. Je ne sais pas pourquoi car, perso, j’ai trouvé le concept sans intérêt. Mais bon. Donc, le gars se pointe à Cocorna avec une grosse caméra attachée à l’épaule braquée sur lui. Bien sûr, les habitants qui ne doivent pas croiser de touristes tous les jours se demandent ce que le mec peut bien faire là avec cet accoutrement. Et là, trop drôle, le type se met à flipper comme un fou, pensant que derrière chaque petit vieux se cache un FARC prêt à la descendre sur place. Le malaise est à la fois palpable et gênant pour n’importe qui connaît les colombiens et l’histoire du village. On a presque envie de lui envoyer l’armée pour le délivrer alors qu’il ne se passe … rien … J’ai trouvé l’émission nulle et indécente dans la mesure où jamais il n’est fait allusion au malheur des villageois, mais seulement à la trouille du journaliste qui n’a pour centre d’intérêt que son nombril !
Nous sommes allés à Cocorna il y a quelques mois et n’avons pas du tout eu la même impression. Il faut dire que notre look était plus discret et que nous ne cherchions pas à faire du voyeurisme pour la télé.
Cocorna, c’est avant tout le haut lieu du parapente de l’Oriente antioqueño. Tu sautes du sommet (pas con, hein !) et tu atterris dans la vallée.
Et dans la vallée ? Le village est mignonnet.
On y cultive la canne à sucre et le cacao. On peut d’ailleurs y acheter une délicieuse panela artisanale.
Mais la richesse du coin, ce sont surtout ses rivières et cascades qui permettent d’y faire de la rando et du canyoning.
Bref, l’endroit commence à s’ouvrir au tourisme et permet d’y découvrir un coin de Colombie authentique. Sans risquer sa peau. N’en déplaise à la télé française hihi
Venga pues !!!
… Et me balader à San Carlos !
Punaise … Si on m’avait dit il y a 10 ans que je ferais la promotion (gratuite qui plus est) de villages colombiens autrefois dangereux, je serais partie en courant, en hurlant au fou ! Désormais, rien ne m’arrête ! Pas même les trombes d’eau tropicales qui, ce matin-là, avaient convaincu beaucoup de monde de rester couché. Beaucoup de monde, mais pas nous. Avec mari et enfant, je souhaitais visiter ce pueblo. Alors en route !
Nous voici donc à présent à San Carlos. 116 kms de Medellin. 1h30 de route depuis Guatapé. Là-bas, au loin dans les montagnes, en climat chaud.
La belle place centrale de San Carlos et son église aux 6 télés accrochées à ses colonnes (mystère catholique et cathodique) invitent à flâner. Pourtant, si son gigantesque manguier pouvait parler, il raconterait une histoire aussi triste qu’à Cocorna.
Cette histoire, c’est « le jardin du souvenir » un peu plus bas sur la même place qui la rappelle à tous. Chaque petite plaque, dans une couleur particulière, évoque le nom d’une personne ou d’une famille malmenée : le bleu pour une réclusion forcée, le blanc pour des violences sexuelles, le rouge pour un homicide, le jaune pour les victimes de mines antipersonnel, le vert foncé pour des personnes déplacées de force, le violet pour des enlèvements et le orange pour désigner les résistants.
Comme Cocorna, San Carlos présente l’inconvénient d’être un endroit stratégique, notamment en matière d’hydroélectricité. Le village fut donc accaparé par les FARC et l’ELN qui, parfois, s’alliaient et parfois s’affrontaient. Mais, les paramilitaires, la police et l’armée commirent également des actes répréhensibles contre la population civile. A tel point que San Carlos est aujourd’hui considéré comme un village martyre où le droit humanitaire international, qui interdit de tirer sur des ambulances, d’achever des blessés ou d’empêcher les médecins de prodiguer des soins médicaux, fût totalement bafoué aussi bien par les forces illégales que par les forces légales. Au début des années 2000 le village était devenu un village fantôme ne comptant plus que 5 840 habitants sur 26 000.
Le début des années 2010, avec l’assainissement de la zone, marqua néanmoins le très difficile retour des habitants de San Carlos dans leur village. Habitants désormais contraints, comme tant d’autres en Colombie, de reconstruire leur vie sur de douloureux décombres, mais aussi de côtoyer leurs anciens bourreaux toujours en liberté.
La ville se relève désormais. Son ambition autour de la paix et de la réconciliation se double d’une solide volonté touristique. La municipalité a, en effet, pour projet de devenir l’un des villages comptant le plus grand nombre de fresques murales du pays. Beaucoup ont pour objet de se substituer aux inscriptions faites par les guerillas pour terroriser la population. La plupart d’entre elles représentent des scènes de vie locale avant le conflit ou des personnes du village :
Mais d’autres sont plus politiques :
Ou décoratives, vantant par exemple la richesse de l’écosystème de San Carlos.
Car, le second attrait de San Carlos sont ses paysages, ses rivières et cascades et sa faune. Nous n’avons malheureusement pu en avoir qu’un bref aperçu, mais nul doute que nous reviendrons rapidement profiter de ses paysages sublimes !
Au loin, le mont Tabor témoin silencieux du renouveau local :
Au centre-ville, le fort joli sentier écologique aménagé de La Viejita conduit aux superbes cascades de Los Patios :
Pour ceux venant en camping-car, il y a même sur la route goudronnée conduisant aux cascades de Los Patios un pasa dia sur le parking duquel passer la nuit.
La vie semble désormais douce à San Carlos où les jeunes femmes se sont remises à danser.
A vous de venir en profiter pour soutenir ainsi une reconstruction pacifique du village ! En tout cas, nous, on adore !
Superbe article , qui donne envie d’aller sur place
Merci et bonne continuation
merci beaucoup 🙂