Une année en Colombie : bilan n° 1 : survivre sans mode d’emploi

Vie quotidienne

 

Voici bientôt un an que nous nous sommes installés en Colombie et l’heure des premiers bilans a sonné ! Notre déménagement dans ce pays a t-il tenu ses promesses ou allons-nous revenir en France dès que possible  ??? Vous le saurez  en suivant la rétrospective des aventures de 3 français au pays des abominables narcos !!!

 

Premier épisode : survivre sans mode d’emploi !

 

Reconnaissez-le, quand nous vous avons annoncé (ou lorsque vous avez appris) que nous partions vivre en Colombie, votre première pensée n’a pas été « excellent choix les gars, j’aurais fait pareil ! », mais plutôt « quelle bande de trous de balles complètement cinglés ! ». Bien sûr, votre politesse naturelle vous a empêché de nous le dire franchement, c’est pourquoi vous vous êtes généralement contentés d’un « aaaaah génial la Colombie ! … Euh t’es sûr de ton choix ? T’as pas peur ? Si tu réfléchissais un peu dans la vie, ça ne te ferait pas de mal … ». Bon, l’avantage de passer pour un abruti irresponsable, c’est que finalement ça libère de beaucoup de pressions hihi. Et nous sommes donc partis !

 

            Alors, bien sûr, partir vivre dans un nouveau pays quand tu n’es pas un expat’ pris en charge de A à Z par ton entreprise française délocalisée, c’est pas forcément simple tous les jours ! Vous avez été nombreux à nous demander : « mais que faites-vous de vos journées puisque vous n’exercez plus vos professions françaises ? ». Sous-entendu : «  c’est pas trop dur la vie de glandeurs à l’âge où vous devriez suer sang et eau pour gagner du pognon ? » ! Eh bien si ! C’est dur !!! Et ne souriez pas en me lisant. Nous sommes arrivés dans un pays que nous connaissions très peu et sans aucun mode d’emploi. Hormis notre délicieuse avocate, aucun ami français ou colombien ou de n’importe quelle autre nationalité n’était là pour nous guider. Nous avions absolument tout à réapprendre par nous même. Et le tout en espagnol.

 

            Alors inutile de vous dire que ce nouvel apprentissage nous a pris et nous prend encore beaucoup de temps au quotidien car tous les gestes de la vie courante que nous faisions par automatisme en France nécessitent d’être revus et adaptés.

 

            Vous auriez, par exemple,  dû voir ma tête quand au mois d’août dernier j’ai voulu souscrire un abonnement internet pour la maison ! En théorie, ça avait l’air facile puisqu’il suffisait de rentrer dans la boutique idoine et de remplir un formulaire. Mais les choses se sont un peu corsées quand la dame du guichet m’a demandé quel commerce dans le village pouvait certifier que j’étais une bonne payeuse. Sans ça, pas de souscription ! Je pensais avoir mal compris, mais non ! C’était bien ça !!! Voilà … Nous étions français et nouveaux dans le bled et il nous fallait l’attestation d’un commerçant chez qui – par définition – nous n’avions jamais mis les pieds, pour nous tirer de l’embarras. De 10 minutes de notre temps pour nous abonner à internet, nous sommes donc passés à une semaine, les doigts dans le nez ! Et je vous passe l’ouverture du compte en banque, les formalités migratoires et autres joyeusetés du même acabit.

 

            De toute façon, en Colombie, il vaut mieux ne pas être trop pressé. Parfois des files d’attente incroyablement longues s’étirent devant les banques, à la caisse des supermercados ou seulement dans la rue pour acheter un truc à manger. Et les colombiens patientent, patientent, patientent, là où un français de base se mettrait à insulter tout le monde plutôt que de traîner davantage. Comme m’a dit un sarcastique colombien ayant vécu en Allemagne, « la désorganisation et l’attente font partie de notre folklore ! ». Bon … Autant compter avec, même s’il est insupportable de toujours se faire planter sur les dates et les délais quoi que tu entreprennes :mrgreen:

 

            Cela dit, s’agit-il vraiment de désorganisation ? Même si certains trucs m’énervent, je vais nuancer mon propos en évoquant plutôt une organisation propre à la Colombie. Vous ai-je déjà parlé des factures ?!! Comme des andouilles nous attendions que le facteur les glisse dans notre (inexistante et pour cause) boîte aux lettres, avant de nous rendre compte que l’eau et l’électricité seraient coupées bien avant que celui-ci ne passe à la maison : le service postal n’existe pas en zone rurale !!! Mais comment pouvait-on le deviner ?! S’en sont suivis des jours, pour ne pas dire, des semaines de chasses aux trésors dans la région pour dégoter lesdites factures ! Il était évident pour tout colombien se respectant que celle relative à l’électricité se récupérait au resto du coin et se payait chez Calamar ! Chez Calamar … J’ai d’abord cru à une blague, manquant de mourir de rire, mais ce n’en était pas une. Mais qui était donc ce poulpe susceptible de recouvrer notre argent ? J’ai cherché un moment,  soupçonnant qu’il pouvait s’agir de la poissonnerie du village. Mais non. Au moment où je donnais ma langue au chat, une gentille dame m’a conduite dans une épicerie portant le doux nom de Calamar ! Eh ouais ! Facile ! J’étais sensée savoir que l’électricité se paye dans une échoppe aux relents supposés de poiscailles !

 

 

Chez Calamar, le poulpe épicier receveur de factures

 

Et l’eau, me direz vous ? Et bien, justement, on la règle à la poissonnerie. Qui ne s’appelle pas Calamar. Mais « Bienvenue chez les fous ». Non je rigole. La poissonnerie n’a pas de nom. Mais, tout comme la droguerie, elle sert aussi de banque. Si je veux retirer de l‘argent c’est là qu’il faut que je me rende aussi. Et si je veux payer mon plombier, je vais aussi à la poissonnerie pour lui faire un virement bancaire. Vous n’avez rien compris ? Nous non plus. Deux mois pour y arriver ! Et parfois, c’est encore compliqué !!

 

 

Ma poissonnerie-banque

Ma droguerie-banque

 

 

            Bref, ce genre de petits détails est chronophage. Comprendre le paiement des impôts reste encore un semi mystère. J’ai réussi à payer une partie de ceux relatifs à la voiture, mais je ne sais toujours pas où régler ceux de la moto. Quant à la taxe foncière, il nous a fallu 6 mois pour réaliser qu’elle se payait non par foyer, mais par personne et le tout en 4 fois par an… Ouf !!

 

            Du temps, il nous en faut donc ! Remarque, si nous nous mettions aux horaires colombiens, nous en aurions peut-être davantage hihi. Ces gens sont incroyables ! Ils se lèvent pour la plupart à 5 heures du matin et commencent à bosser à 7 heures. A l’université les cours commencent même à 6 heures du matin. Pinaise ! Et moi qui comptait continuer à enseigner ! Il va vraiment falloir que je négocie, si ce n’est mon salaire, du moins mon emploi du temps ! Des cours à 6 heures du matin mouahaha !

 

 

Université de Medellin. Qui n’est pas l’Université de la ville de Medellin

Mais une université parmi d’autres à Medellin. Comme ici l’université d’Antioquia. Là aussi, je me suis trompée plein de fois dans mes rendez-vous !!

 

 

            Mais avant d’en arriver là, il faudrait évidemment que je continue à muscler mon espagnol. Disons qu’à ce jour je le parle couramment (tandis que Jérome et Charles ont fait de bons progrès) et pourrais enseigner dans cette langue sans trop de difficultés. Il n’en reste pas moins qu’au quotidien  je (nous) me (nous) retrouve(ons) souvent sans le vocabulaire approprié. C’est une chose d’enfoncer des portes ouvertes avec les commerçants du coin, voire de préparer un cours un prenant son temps, mais quand il s’agit de devenir plus technique spontanément, les mots manquent. Vous savez, vous, comment on dit « perceuse » en espagnol ? Ou « placoplâtre » ? Ou « poutre » ? Ok, je peux mimer la perceuse, mais j’ai plus de mal à imiter le placo ou le morceau de bois. Pictionnary est devenu notre meilleur allié. Quand tu ne sais pas, tu mimes ou tu dessines. Du coup, tous les mercredis soirs je prends aussi des cours de dessin :mrgreen:  !

 

            De toute façon, encore faudrait-il que je puisse arriver en temps et en heure pour débuter un cours à 6 heures du matin ! Je crois avoir déjà évoqué avec vous les pittoresques transports en bus qui, non seulement vous apprennent la politesse au sens colombien du terme, mais aussi à conserver intact votre petit-déjeuner dans l’estomac en dépit des virages et de la conduite démente des chauffeurs. Mais, vous ai-je parlé du danger de la route, tout court ? Prendre sa voiture est chaque jour une aventure qui risque de mal se terminer. Ce n’est pas faire offense aux colombiens que de dire d’eux qu’ils conduisent comme des enfants. Je pourrais aussi dire comme des cons, ce qui serait également vrai, mais ce serait insinuer qu’ils le font exprès. Or, ce n’est pas le cas. Je pense sincèrement qu’ils font du mieux qu’ils le peuvent, mais, comme ils n’ont pas de leçons de conduite obligatoires lorsqu’ils passent le permis, ils ne savent réellement pas conduire et n’ont aucune conscience du danger. Et c’est ainsi qu’un bel après-midi du mois d’octobre nous avons eu un accident avec un taxi. Rien de grave pour nous heureusement, mais les voitures avaient un joli choc. Ô joie ! Nous avons alors pu expérimenter l’attente sous la pluie battante, chose que nous ne connaissions pas encore, le temps que la police vienne elle-même faire le constat. Ô double joie, nous nous sommes alors rendus compte que nous n’avions rien compris aux assurances ! Nous nous pensions assurés « au tiers » au sens français du terme, l’assurance couvrant les dégâts occasionnés à l’autre véhicule ou aux tiers, mais nous avons appris à nos dépens que la SOAT (assurance obligatoire) ne rembourse aucun dégât matériel à quiconque mais seulement les éventuels frais d’hospitalisation en cas de victimes. Ô triple joie, des mois et des mois plus tard, à l’issue d’une procédure juridictionnalo-administrativo-attrape-couillono truquée, car achetée par le patron de la compagnie de taxi, nous avons dû assumer nos frais de réparation et ceux du taxi. Génial nous connaissons désormais les risques de la route et la corruption de la justice, doubles fléaux nationaux !

 

 

Un homme heureux au « Transito »

 

            Cet accident n’aurait sûrement pas eu lieu si nous n’avions pas dû nous rendre en ville pour acheter des pastilles pour le lave-vaisselle.  Je vous fais rire ? J’avoue que vu de France, l’argument a l’air débile. Mais, en zone rurale colombienne, les habitants sont loin de disposer des mêmes facilités que les citadins. Les gigantesques malls à l’américaine sont loin de chez nous et il n’y a que dans ces endroits que l’on trouve certains produits exotiques comme les pastilles pour le lave-vaisselle. Normal, la plupart des colombiens ne possèdent pas ce genre de machine ! D’ailleurs, beaucoup n’ont même pas d’eau chaude au robinet. Posséder un lave-vaisselle vous range déjà  parmi la classe moyenne supérieure +++. Je préciserais même parmi la classe moyenne supérieure excentrique car, ici, les riches n’ont pas besoin de ce genre de choses : ils ont une bonne qui se charge de tout laver et de cuisiner pour eux ! Tous sont d’ailleurs étonnés que nous n’ayons pas de personnel de maison pour accomplir ces taches ingrates. Mais nous, en bons français habitués à tout faire par nous même, continuons à faire les courses et à cuisiner. Et nous perdons ainsi un temps complètement dingue. 1H30 de route pour arriver au mall. 1H30 à l’intérieur pour mettre la main sur ces maudites pastilles et constater qu’il faut aller les chercher dans un autre mall. 1H30 pour sortir enfin vainqueur de notre quête. 1H30 pour rentrer chez nous. Et hop ! La journée est passée. Et quand tu rentres chez toi, tu te rends compte que tu n’as rien acheté d’intéressant car tu ne retrouves pas les aliments un peu pratiques qui existent en France, genre les pâtes à tartes toutes faites, les raviolis frais, les plats surgelés … Bref, les trucs qui te simplifient bien la vie au quotidien. Tu achèves donc ta journée par 1h30 aux fourneaux car il te faut tout fabriquer avec tes petites mains velues !!!

 

 

 

PS – Pour être tout à fait franche, en Colombie, les produits dans les supermarchés sont rangés avec une logique similaire à la logique française. Tu as donc de bonnes chances de trouver tes pastilles de lave-vaisselle au rayon produits ménagers. Et non pas à côté du beurre, qui lui-même se trouve coincé entre les roues de bagnoles et les serviettes hygiéniques, comme a pu le voir en Equateur  :mrgreen: !

 

            Voilà … Comme vous le constatez, nos journées s’écoulent  paisiblement et sans le moindre effort de notre part  :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen: !

 

(Prochain épisode : nous avons quand même survécu et nous adorons la Colombie !)

 

  • photo introductive, Pixabay

6 pensées sur “Une année en Colombie : bilan n° 1 : survivre sans mode d’emploi

  • 19 mai 2018 à 5 h 39 min
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    ¡Holà amigos!
    Oui tu nous fais rire …et toujours autant de plaisir à te lire! Besos à vous trois, Luce.

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      • 4 juillet 2018 à 2 h 19 min
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        … finalement, j.ai mis le cap au nord… avec comme seul avenir l.horizon… pas encore le grand mais je m.en approche! Je viens de lire le bilan 2… surtout, ne cesse jamais d.écrire! Quel plaisir de voir Carlito s.éclater! Vous êtes bientôt en france? J.y passe en Septembre… et retour bientôt con mucho gusto!

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  • 28 mai 2018 à 16 h 20 min
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    Coucou

    Ah oui il faut avoir du temps pour réaliser toutes ces démarches et comprendre leur logique! Tu m’étonnes qu’à 5h ils soient déjà debout:))

    Les pluies diluviennes sont derrière vous ? Et le barrage de la région d’Antioquia?

    Bisous à bientôt

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