Le Veracruz nous surprend !

Minatitlan, Catemaco, Cordoba, Orizaba, Coatepec, Naolinco, Costa Esmeralda, Papantla, El Tajin

 

Nous reprenons la route en direction du nord, laissant le Chiapas dans notre dos, mais transportant à notre insu quelques bactéries intestinales récoltées dans l’eau du robinet infecte de San Cristobal de las Casas.

 

Notre idée est de nous rendre dans le Veracruz, cet immense Etat côtier de l’Est du Mexique, dont la façade maritime (Atlantique, donc) s’étend sur pas moins de … 745 kms. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’État n’a pas une bonne réputation du point de vue de la sécurité, même si beaucoup de voyageurs y viennent pour envoyer en shipping leur véhicule dans le port de la ville éponyme.

 

Après avoir regardé la presse locale sur internet pour voir les dernières nouvelles du coin et localiser les éventuelles zones à éviter « quoi qu’il en coûte », tous les feux sont verts pour y faire une virée.

 

 

En chemin, dans l’Etat du  Tabasco

 

 

Nous sommes au mois de mai, le mois le plus chaud de l’année dans la région. Etant partis tard du Chiapas, nous arrivons dans les brumes brûlantes de fin d’après-midi à Minatitlan, ville moche et industrielle, tout au sud du Veracruz.

 

 

 

 

Nous aurions dû prendre un hôtel, mais n’y pensons pas. Probablement en raison de la laideur du coin qui incite peu à se lancer à sa découverte. Nous passons donc une superbe nuit dans un fabuleux parking de Pemex, entre 2 camions et 3 essaims de moustiques. Nous nous levons crevés et de mauvaise humeur hihi.

 

Notre première destination touristique est la lagune de Catemaco ….

 

Un endroit magique, la lagune de Catemaco

 

 

A midi, nous nous garons sur le malecon. Il plombe un bon 38 degrés à l’ombre et l’humidité est à couper au couteau.

 

 

 

Jérôme qui commence à en baver avec ses passagers clandestins intestinaux déclare forfait et c’est avec Carlito que je pars explorer ce délicieux village. Immédiatement, nous adorons l’ambiance. Le petit marché regorge de produits frais et, sur le malecon, on vend de l’argile verte et des poissons du lac, produits locaux.

 

 

 

 

Les lancheros voudraient bien nous fourguer un tour de bateau, mais il fait trop chaud pour partir en plein soleil. Nous nous contentons de faire la longue promenade sous les arbres qui longe cette lagune aux eaux sombres. Nous apprendrons plus tard que cette couleur est due aux sables volcaniques noirs et non à la pollution (j’ai quand même un petit doute, mais bon …).

 

 

 

 

L’intérêt du lieu est cependant ailleurs. Catemaco se situe en fait dans une zone naturelle protégée (réserve de biosphère de los Tuxtlas) qui regorge d’oiseaux et de singes, entre autres. Sur les bords de cette dernière, en plein village, nous sommes fascinés par le nombres d’espèces de hérons, de cormorans et frégates qui piaillent dans un vacarme assourdissant.

 

 

En bord de mangrove

 

 

Après une belle soirée à observer les cours de salsa et de cumbia qui ont lieu en fin d’après-midi sur le malecon, nous nous endormons juste devant « les lettres de Catemaco », au son des familles et des bandes de potes qui s’éternisent ici à prendre la fraîcheur de la nuit.

 

 

Catemaco au coucher du soleil

 

Au matin, c’est moi qui suis désormais au plus mal. J’hésite à consulter un des nombreux chamans du village (Catemaco est aussi réputé pour être un pueblo de sorciers pratiquant entre autres des limpias pour éloigner les mauvais esprits), ça avait bien fonctionné sur Carlito en Equateur, mais les gars n’en peuvent plus de la chaleur. Je pensais passer une journée de plus sur place pour aller visiter les toucans au réputé « camping de la jungle » ou une journée au village de Tlacotalpan classé à l’UNESCO, mais la météo annonce 44 degrés à l’ombre dans la zone pour le jour même. On ne peut pas rester, c’est trop dur à supporter avec l’humidité ambiante.

 

 

Le gardien des lieux, réplique de tête Olmèque en bord de lagune

 

 

Direction Cordoba sur les hauteurs

 

Mon état de santé se détériorant fortement, nous réservons un hôtel à Cordoba, à 2 pas du centre. Comme je l’ai déjà indiqué ci-dessus, il fait trop chaud pour ne pas aller se mettre à l’abri : à 11h30 du matin, en plaine, le thermomètre annonce déjà 40,4° à l’ombre et le point culminant est prévu pour 16 heures…

 

 

 

 

Cordoba est une ville en dehors des circuits touristiques, mais qui aurait (selon ses habitants – totalement impartiaux, il va sans dire) la plus belle place centrale de l’État du Veracruz. Et, en effet, elle a beaucoup d’allure.

 

 

 

 

Affaiblie et peu apte à la balade, j’adore cependant l’ambiance qui y règne à la nuit tombée. C’est la fête de la ville et des concerts de musiques traditionnelles mexicaines et de « trovas » (c’est de l’impro chantée entre plusieurs personnes et c’est très drôle) ont lieu. Nous sommes les seuls gringos de la ville et tout le monde se montre un peu curieux-sympas de nous voir ici.

 

 

 

Tout à l’air si paisible, si bon enfant … Pourtant, une superbe expo de rue de photos en noir et blanc attire notre attention (ici). Sont représentés des pères ou des mères tenant dans leurs bras le portrait de leur enfant disparu. Et ces parents, ils sont non seulement en photos, mais en chair et en os devant nous pour raconter leur histoire. L’émotion m’étreint le coeur. Une dame me raconte comment son fils n’est jamais rentré du boulot un soir de juin 2020, dans cette même ville de Cordoba. Elle l’a cherché partout, sans que jamais les autorités ne fassent plus que de lui donner un numéro vert. Elle ne l’a jamais retrouvé. Une autre m’explique que sa fille de 24 ans a été enlevée alors qu’elle passait un entretien d’embauche, puis séquestrée. Qu’elle n’a pas pu réunir l’argent demandé pour la rançon et qu’elle n’a plus jamais eu aucune nouvelle de son enfant. Une autre, encore, les yeux remplis de larmes me montre le portrait de son fils. Elle estime avoir de la chance car son corps, après plusieurs années, a été retrouvé dans une fosse clandestine à la sortie de la ville. Elle a pu faire son deuil. Tous ces parents, dignes à vous arracher des larmes, sont là pour mettre en garde les passants, mais aussi pour dénoncer l’absence d’aide des autorités corrompues et les moqueries ou soupçons qu’elles ont aussi dû injustement affronter (« si ça arrive à ta famille, c’est forcément que tu trempes dans des affaires louches »). Pour se soutenir, elles ont monté un collectif regroupant, hélas, des dizaines de familles. C’est l’ignoble dark side du Mexique qui nous est présentée et il est impossible de vouloir l’oublier ou l’ignorer.

 

 

J’emprunte la photo au Sol de Cordoba

 

 

Orizaba, le pueblo magico aux 1000 visages

 

Le dimanche matin, coup de bol monstrueux, nous ressuscitons avec Jérôme. Comment nous avons guéri seuls dans la nuit restera un mystère, mais … les voies du Seigneurs sont impénétrables hihi

 

Direction Orizaba, un pueblo magico situé au pied d’un volcan éponyme qui culmine à de 5636 mètres. Comme on ne peut pas avoir du bol 2 fois dans la journée, nous ne pourrons pas l’apercevoir en raison des brumes qui rendent opaque le ciel. Du coup, nous nous abstenons de prendre les télécabines qui conduisent au mirador de la ville, également peu encouragés par la longue file de mexicains qui visitent leur pays en ce beau dimanche ensoleillé et chaud.

 

 

 

 

Mais cette ville a d’autre tours dans son sac. Pendant presque 2 heures, nous flânons sur les bords de sa rivière où, tout au long, est organisé un très beau zoo (« paseo de los animales »). Je suis épatée car les cages sont impeccablement tenues. Il s’agit d’un lieu où sont exposés uniquement des animaux sauvés du braconnage, de la vente illicite ou des cirques (quand la loi a interdit les spectacles d’animaux dans les cirques, certains ont fait don de leurs tigres, lions, ours ou dromadaires à Orizaba). Bref, non seulement la promenade est bucolique à souhait, mais elle se fait dans un endroit à noble vocation !

 

 

 

Nous revenons dans le centre où le temps semble s’être arrêté en 1899. Les joyaux architecturaux qui entourent sa place centrale sont, en ce dimanche, éclipsés par le kiosque à musique où des couples, très endimanchés, dansent au son de musiques mexicaines traditionnelles. L’ambiance est surannée et je serais presque prête à parier que les gens du coin ne savent rien de ce qui passe dans le reste du monde, absorbés dans des mélodies d’un autre temps…

 

 

Alors on danse …

 

 

Cette atmosphère hors du temps est encore accrue par le « Castillo de hierro » qui se trouve à proximité, vaste palais en fer « art nouveau » dessinée par Eiffel himself… C’est étonnamment beau …

 

 

 

Bien que la ville ne compte pas moins d’une quinzaine de musées (il existe un passe que l’on peut acheter), nous nous contentons en fin d’aprem de rendre visite au superbe musée des beaux-arts d’Orizaba. Y sont exposées 43 œuvres de Diego Rivera. Mais, contre tout attente, ce que nous préférerons ce sont les gravures du 18ème siècle, témoins d’un Mexique qui n’existe plus. A moins que … A y regarder de plus près beaucoup de villages sont restés dans leur jus et les paysages qui ont étonné Humbolt en son temps, n’ont guère évolué.

 

 

Le peintre, lui au moins, a vu le volcan !

 

 

Ce sont dans ces paysages superbes que nous nous lançons quelques heures avant le coucher du soleil. Rattrappés par la nuit, nous bifurquons dans un minuscule et mignon pueblo où la police nous installe sous sa garde entre l’église et le kiosque à musique. Nous y passons une douce nuit sous le regard un peu amusé et curieux des habitants.

 

Coatepec, Xalalpa … ? Non ! Naolinco !

 

Au matin, nous reprenons la route pour Coatepec, un autre pueblo magico situé en zone cafetière. Les paysages que nous traversons sont fabuleux, entre canyons, champs de cannes à sucre et plantations de café.

 

 

Le village, consacré à la vente du café, ne retiendra pas longtemps notre attention, puisque après avoir vécu en Colombie et produit notre propre café, nous connaissons le processus.

 

 

 

Nous pensons encore aller visiter la capitale du Veracruz, Xalalpa, qui a bonne réputation, mais ses ruelles étroites, chargées d’une incroyable circulation dans laquelle il est impossible de se frayer un chemin en van, auront raison de notre patience.

 

Un peu dépités, nous atterrissons à Naolinco, un pueblo ni magico, ni conseillé dans les guides. Coup de chance, c’est bonne pioche ! L’endroit est ravissant.

 

 

 

On y travaille le cuir.

 

 

 

 

Nous y passons une excellente soirée, dormant encore une fois devant le commissariat du village.

 

 

 

Au matin, nous visitons au une pharmacie-musée encore en service, vieille de 110 ans.

 

 

 

Un pueblo à retenir !

 

La Costa Esmeralda

 

A ce moment là de la visite du Veracruz, 2 options s’offrent à nous : l’autoroute direction Puebla et Ciudad de mexico ou la route de montagne direction la plage. Même s’il y fait très chaud et que nous n’aimons pas spécialement nous baigner, on se dit que ce serait quand même un peu concon de ne pas profiter au-moins une journée de l’Atlantique sur la réputée Costa Esmeralda.

 

Encore une fois nous traversons des paysages de montagnes sublimes, des forêts de nuages, puis des steppes plus arides. Un régal pour les yeux.

 

 

 

Nous stoppons le van chez Martin, un Suisse qui tient un hôtel camping (« Coco loco » sur Ioverlander) et surtout a monté une fondation de protection des tortues marines. Il nous apprend qu’actuellement une espèce particulière vient pondre chaque fin d’aprem sur les côtes, ce qui est rare car normalement elles le font la nuit. Malheureusement, nous n’en verrons pas.

 

 

 

Dans ce coin du Mexique, les plages sont immenses, sans sargasses, vides de monde et l’eau de l’océan est tiède. C’est excellent ! Mais, au mois de mai, il y fait une chaleur à crever. Et sans possibilité de brancher la clim, pour dormir au frais, on ne peut envisager d’y passer plus d’une nuit, hélas.

 

 

 

 

Vanille, voladores et Tajin à Papantla

 

 

Nous partons donc à regret, en direction du Hidalgo, là-haut dans les montagnes.

 

Mais, auparavant, une petite pause s’impose dans le pueblo magico de Papantla, le pueblo de la vanille. Nous trouvons seulement une vendeuse au marché effeuillant ses orchidées vanillées.

 

 

 

 

C’est aussi le village des danseurs voladores. D’origine préhispanique, cette danse chargée de symboles s’accomplit autour d’un très haut mat par 4 à 6 danseurs. Au son d’un musicien jouant de la flûte et du tambour, ces derniers tournent d’abord au pied du mat. Puis, quand la musique s’arrête, ils escaladent ce dernier avec une corde, se l’attachent à la taille, avant de sauter dans le vide en tournoyant autour du mat, la tête en bas. On peut en voir la démonstration au grand cirque de Tulum (euh, pardon, au site archéo de Tulum) pour ceux qui ne veulent pas quitter le Quintana Roo.

 

Hélas, pas l’ombre d’un danseur dans le village. Il faut dire que les 39 degrés à l’ombre encouragent plus à se laisser mourir qu’à danser hihi.

 

Malgré tout, je refuse de quitter le coin sans avoir visité le magnifique site archéo totonèque del Tajin, avec ses pyramides « à niches ». Incrédules, Carlito et Jérôme pensent que je suis devenue dingue, mais je ne lâche rien. Et c’est une bonne idée ! Quand nous arrivons, il y a justement devant l’entrée du site des danseurs voladores qui débutent une danse. Fascinée, je prends le temps de les regarder, tandis que les gars agonisent dans le van.

 

 

Le gros morceau reste la visite du site. Il est immense et au soleil, la chaleur est insoutenable. On pourrait faire cuire des œufs sur les pierres des monuments. Nous devons être 5 ou 6 visiteurs courageux à affronter le climat. Heureusement, je ne suis pas déçue.

 

 

 

Pendant ce temps, ayant fini de mijoter, Carlito et Jérôme sont sortis du van et ont trouvé un vendeur de vanille. Miam ! Ils rapportent un petit bidon d’extrait qui servira à nos futurs desserts. La journée brûlante se termine bien !

 

Pourtant, il est hors de question de dormir dans le coin. Il fait trop chaud. Bien qu’il soit tard, nous nous engageons sur l’autoroute qui mène à Ciudad de Mexico, pour faire une halte au frais, dans le Hidalgo. Le Hidalgo, magnifique découverte également, mais qui sera l’objet d’un autre article !

 

 

Une pensée sur “Le Veracruz nous surprend !

  • 31 mai 2022 à 22 h 10 min
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    Un régal comme toujours. J’avais adoré le dictionnaire amoureux du Mexique de Jean-Claude Carrière ; mais à l’évidence tu pourrais en éditer un autre!

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