Lire au préalables les épisodes précédents :
- Mars-avril : une histoire courte devenue roman fleuve
- Avril- mai : ô rage, ô désespoir !
- Mai-juin : 3 mois fermes plus tard !
N.B. : je précise que les observations faites dans tous mes articles ne valent que pour Guatapé. Je suis incapable de témoigner sur autre chose que ce que je vois puisque nous sommes enfermés dans le village depuis le 20 mars. Les choses sont sûrement différentes ailleurs … En outre, il s’agit d’un ressenti subjectif qui ne vaut pas vérité universelle.
Résumé : la petite Valérie, son mari et leur fils sont enfermés depuis 90 jours chez eux à Guatapé. Guatapé qui fut, de façon certaine, un des endroits les plus stricts en Colombie, voire du monde, quant à l’application du confinement. Une chose est désormais sure : la dangerosité de ce virus est avérée : en moins de 3 mois, il a tué 90 % de nos droits et bousillé le même pourcentage de l’économie du village … Y aura-t-il un jour un monde d’après ?
EPISODE 12
SI C’EST ÇA LE MONDE D’ APRÈS …
Vendredi 19 juin : tandis que nous nous apprêtons à célébrer nos 3 mois d’enfermement très strict à Guatapé, de nombreux autres colombiens sont entrain de démontrer à la Terre entière que le coronavirus a bel et bien muté en conarovirus, lequel s’attaque principalement et irrémédiablement aux fonctions cérébrales des êtres humains. Mais, nous ne l’apprendrons que le lendemain matin.
Samedi 20 juin : je me lève en me demandant comment sera le « monde d’après » en Colombie. Quand je vois à quoi celui-ci ressemble en France, je ne suis pas très optimiste. Mais, en ce samedi matin 20 juin 2020, je manque réellement de me mettre à pleurer quand, parcourant la presse via internet, je vois comme tout le monde les photos suivantes !
La France avait fait hyper fort en organisant des élections municipales la veille du confinement général, mais là, je l’avoue, la Colombie frise le génie universel ! Pour relancer l’épidémie l’économie (l’économie de ceux qui n’ont rien perdu, en fait) le Gouvernement a organisé en pleine quarantaine et augmentation exponentielle des cas de conarovirus un « Covid Friday« . C’est comme le Black Friday (en l’occurrence l’Etat faisait cadeau des 20 % de TVA ce jour-là), mais c’est organisé en pleine pandémie pour que les gens (jusque-là confinés) se ruent comme des bêtes dans les supermarchés se contaminer les uns les autres. Et ça a marché ! Rappelez-vous les drapeaux rouges aux fenêtres demandant des mercados pour survivre ! Oubliés ! Les mêmes qui crevaient de faim il y a 15 jours se sont rués acheter à crédit (les taux des crédits à la conso sont quand même entre 25 et 28 % en Colombie) des télés, des sonos et des smartphones… Sans rire … les braves cons… S’ils ne risquaient pas d’être contagieux, on applaudirait cette initiative gouvernementale visant à alléger la planète de ce genre d’individus, mais ces trous de balle vont ensuite se disséminer partout comme le pollen au printemps ! Adieu espoir d’un retour à la vie normale ! Adieu espoir d’un monde d’après qui aurait plus de sens que le monde d’avant ! Je finis même par me demander s’il ne s’agit pas d’une manipulation « grandeur nature » du Gouvernement pour tester les comportements de la population ou, qui sait, pour faire advenir ce fameux « pic » de covid …
Dimanche 21 juin : je ne décolère pas. Déjouant les barrages de police, un nombre significatif de medellinois est venu passer le WE férié à Guatapé. Peut-être les mêmes que ceux qui se contaminaient hier dans les supermercados. Or, si le maire de Guatapé souhaite désormais relancer l’économie locale en laissant les gens de l’extérieur venir, il a été très clair : au premier nouveau cas de conarovirus, il nous réenferme chez nous. Ce serait vraiment honteux de nous punir parce que d’autres sont venus nous contaminer, mais ainsi raisonnent ceux qui ne sont pas tenus de respecter le confinement.
Mardi 23 juin : le covid 19 ayant été contaminé par le nouveau covid 20 qui, lui-même, pourrait se mettre à tousser à cause du futur covid 21, le Président nous annonce que le « confinement intelligent » ne prendra pas fin le 30 juin comme prévu, mais se poursuivra finalement jusqu’au 15 juillet et que le Dia del amor y de la amistad (l’équivalent de la Saint Valentin), Halloween et Noël sont d’ores et déjà annulés pour cause de conarovirus. Sans rire … Et pourquoi ne pas rayer du calendrier toute l’année 2020 pendant qu’il y est ?!
Boaf … Comme nous savons désormais que nous ne sortirons plus jamais de ce délire, nous accueillons la nouvelle sans aucune émotion de tristesse ou de dépit, mais, au contraire, en riant aux éclats. Il faut dire que le staff de la communication présidentielle a mis le paquet pour nous faire pouffer en transformant le Président en marionnettiste de piètre talent, nous incitant à faire usage de guignols en cartons « bouche sourire » ou « bouche fâchée » pour dénoncer ou féliciter les bons et les mauvais comportements face au conarovirus. C’est plus fort que moi, chaque fois que je re-regarde la vidéo, je manque de m’étrangler de rire !
Mercredi 24 juin : Guatapé avait candidaté auprès du Gouvernement pour devenir un village pilote en terme de tourisme, mais la demande a été rejetée : aucun hôtel ne pourra rouvrir avant la fin de la quarantaine quand bien même ils respecteraient les protocoles de biosécurité. Joie chez les hôteliers.
Jeudi 25 juin : « Journée municipale de la solidarité » : pour l’occasion le maire se fend d’une vidéo sur Facebook le montrant comme un héro ayant apporté des centaines de « mercados » aux familles pauvres du village. Quiconque a vécu ici sait que la mairie a d’abord fait ce qu’elle a pu pour aider les habitants mais que, faute de moyens, elle a rapidement cessé ces aides. Et quiconque vit ici sait que c’est notre amie Amanda, sans aucune aide de la mairie, qui a pendant ces 3 mois tenu à bout de bras plus de 120 familles, récoltant des fonds à l’international et se chargeant d’acheter et de transporter des vivres pour elles. Jamais la mairie ne lui a témoigné publiquement ou en privé un seul remerciement. Jamais. Aussi, quand je vois la vidéo d’autopromotion du maire, je fulmine. Quant à nous, ce jour-là, nous avons encore distribué l’équivalent de 25 euros d’aides à des habitants du pueblo qui n’ont rien. Sans vidéo, sans tapage et sans même savoir qu’il s’agissait de la « Journée municipale de la solidarité ».
Vendredi 26 juin : Les protocoles de biosécurité, encore et encore, dès que tu veux faire quelque chose. Entre le fait de devoir porter un masque tout le temps dès qu’on sort de chez soi, de laisser ses coordonnées complètes dans certains magasins pour qu’on puisse tracer les visiteurs et la prise de température partout, ça commence à devenir un poil fastidieux … Pas vrai señor JC ?
EPISODE 13 –
… RESTONS DANS LE JOLI MONDE DE MAINTENANT !
Samedi 27 juin : puisque nous sommes isolés du reste du monde, autant prendre les choses du bon côté. Guatapé qui avait vendu son âme au tourisme, est redevenu le mignon village que nous avions tant aimé en 2016. Les trop nombreuses boutiques de souvenirs n’ont pas rouvert leurs portes, seuls subsistent les commerces utiles à la vie quotidienne. Comme ils avaient eu tendance à disparaître ces dernières années, ils font un retour en force : un nouveau maraîcher s’est ouvert, ainsi qu’un magasin de meubles. Les vieux ont réinvesti la place du village, respectant plus ou moins le port du masque ou la distanciation. Nous prenons enfin le temps d’approfondir nos relations humaines, de rencontrer vraiment des villageois que nous ne connaissions que de vue et de rester ouverts et attentifs aux besoins de tous. La lenteur a succédé à la frénésie, la solidarité à la concurrence. Guatapé ressemble à un cocon protecteur et feutré. Disparus les embouteillages monstres, les tours d’hélico, les touristes irrespectueux, la musique abominablement forte. De ce point de vue optimiste, cette quarantaine est vraiment agréable.
Dimanche 28 juin : il existe désormais 4 types de restos à Guatapé : ceux qui ont mis la clef sous la porte, ceux autorisés à livrer à domicile, ceux plus originaux pouvant accueillir un tout petit peu de public car satisfaisant aux protocoles de biosécurité et les restos clandestins. Entre les 3 derniers mon coeur balance ! Ai-je la flemme de me déplacer ? Je fais livrer. Ai-je envie de cauchemarder ? Je file chez un « biosécurisé. Enfin, façon de parler car, pour ceux-ci, il faut réserver. Puis, à l’entrée on te désinfecte des pieds à la tête, on prend ta température, on relève tes coordonnées, avant d’installer les convives (fussent-ils d’une même famille vivant au quotidien ensemble) à 2 mètres les uns des autres . Tout juste si on ne te propose pas un toucher rectal et le menu de l’hosto à déguster ! Définitivement rédhibitoire ! Et puis, il reste les restos clandestins des potes qui n’ont pas obtenu les autorisations administratives. Dans les arrières cours des maisons toute une cuisine s’organise pour les initiés. Tu peux (dois ?) venir sans masque, mais seulement si on te connaît. Une porte anonyme s’ouvre, tu t’engouffres le plus discrètement possible, retrouves éventuellement des amis que tu serres dans tes bras parce que c’est humain, déguste ton plat et repars heureux. Et tu le fais d’autant plus volontiers que Guatapé est encore à cette date « libre de covid » depuis plusieurs mois. Alors, pourquoi se priver des étreintes ???
Mardi 30 juin : hourra ! Les enfants sont à leur tour libérés ! Enfermés depuis le 15 mars, puis libérés à très petite dose, ils ont désormais le droit de sortir tous les après-midis. Nous sommes toujours prisonniers de notre zone de 30 kms, mais allons enfin pouvoir retourner nous baigner en famille dans les charcos du coin ! Pourtant le maire s’est montré peu rassurant pour l’avenir : Medellin la peu contaminée soigne désormais dans ses hôpitaux les malades des autres régions volontairement imprudentes et si la ville passe en alerte orange pour saturation de ses unités de soins intensifs, c’est tout le département qui devra se reconfiner sévèrement.
Mercredi 1er juillet : notre premier jour de liberté familiale ! Comme il se doit, nous fonçons chez Mac Do, nous ruons dans les supermarchés pour acheter de nouveaux appareils électroniques, arrosons cette bonne nouvelle d’aguardiente et de Postobon pomme verte, avant de nous ruer vers un bord de rivière où nous abandonnons l’intégralité de nos déchets, tous nos masques usagés, notre PQ acheté en trop grande quantité et nos animaux de compagnie adoptés seulement pour nous distraire pendant la quarantaine. Notre sono hurle et fait fuir les humains comme les animaux. Qu’il est bon de revenir à une vie normale !!!
Je plaisante, of course. Nous nous contentons de passer une après-midi délicieuse à la maison en compagnie d’amis colombiens du village. Pour la première fois depuis des semaines, je vois mon fils s’amuser comme un fou avec un copain et rire aux éclats. Réellement, ça faisait bien longtemps que je ne l’avais plus entendu rire et j’en suis super émue, moi qui le voyais s’éteindre peu à peu.
Vendredi 3 juillet : c’est pas vraiment permis, mais je pars prendre l’apéro en douce chez une amie pour assister à la « première » de notre spectacle commun de danse . Souvenez-vous, nous avions eu le droit une fois en juin de sortir de chez nous pour aller danser en présentiel, le prof nous avait alors filmé pour faire ensuite un montage vidéo avec tous les danseurs. Ce soir-là, nous regardons donc la retransmission sur Facebook. Un litre de sangria plus tard, je suis prête pour retourner danser. Evidemment, c’est strictement interdit. Alors, comme il pleut je me contente de chanter sous la pluie en rentrant chez moi.
Dimanche 5 juillet : entre les 2 photos ci-dessous prises à San Rafael, village voisin du nôtre, se sont exactement écoulés 118 jours de quarantaine. 118 jours de restrictions de mouvements. 118 jours sans pouvoir accéder à cette rivière que nous aimons tant et qui ne se situe qu’à 15 kms de chez nous … Assise devant elle, je fais le vœux que notre retour à la vie normale se fasse désormais rapidement !!! Pourtant, la dernière fois que nous nous sommes approchés de cette rivière, ça ne nous a pas porté bonheur : s’en sont suivis plus de 3 mois de confinement ! Pourvu que …
EPISODE 14 –
LE MONDE D’APRÈS ENCORE REPORTÉ
Lundi 6 juillet : journée de rêve : je teste le protocole de biosécurité chez la dentiste pour me faire dévitaliser une dent. Eh bien ! Tu m’crois, tu m’crois pas, elle n’en fait guère plus que le restaurateur ou M. Bricolage pour te désinfecter. Je commence ma visite dentaire par un petit rinçage à l’alcool de mes chaussures (chaque fois que je dois faire ce truc débile, je me demande sur qui je pourrais bien avoir marché au préalable pour avoir besoin de tremper mes godasses dans du désinfectant ensuite, mais bon …), un lavage de mains, un dépôt de mes affaires personnelles dans un endroit isolé de la salle d’attente. Vient ensuite le toucher rectal réglementaire pour prendre ma température, une pulvérisation de tout mon être à l’alcool à 90°, ainsi que 3 signatures sur 3 documents pour jurer que je ne pense pas avoir le conarovirus… Avec tout ça, j’ai toujours ma muselière sur la bouche : ça va être chaud la dévitalisation de la dent à travers le tissu … La dentiste, vêtue comme un décontaminateur de site nucléaire, me rassure : quand je me serais désinfectée la bouche, je pourrais l’enlever ! Et ben … comment je fais pour me désinfecter la bouche sans enlever mon masque ?!! L’énigme résolue, 1h30 plus tard je ressors dévitalisée mais toute propre du cabinet dentaire !
Mardi 7 juillet : comprenne qui pourra ou qui voudra. Le Président annonce une nouvelle extension de la quarantaine jusqu’au 1er août. Mais, les villes et villages peu ou pas touchés pourront ouvrir leurs restaurants, leurs gymnases et surtout … leurs églises !!! Il faut dire que la polémique fait rage : empêcher les gens d’aller à la messe c’est comme les priver de respirer dans ce pays. Pourtant, quelques voix s’élèvent timidement pour dire que rassembler dans un lieu fermé des gens qui chantent c’est pas une idée de génie. On s’en remet donc à Dios pour veiller sur les brebis du troupeau. Pour le reste, je n’y comprends rien : les règles et exceptions sont si nombreuses que même les colombiens ne s’y retrouvent plus.
Mercredi 8 juillet : l’épidémie qui était contenue fait désormais rage en Colombie. Il y a plus de 100 000 cas de covid et presque 5000 morts. Même en Antioquia les cas ont explosé (pas illogique puisqu’on reçoit les victimes des autres départements). Le maire de Guatapé est toujours sûr que nous n’avons pas de cas dans le village, mais, des patelins alentours sont touchés. Il décide, avec l’aide du département, de tester au hasard 60 personnes pour voir ce qu’il en est. Je n’aime pas ça. Quand on cherche, on trouve et quand on trouve, on enferme…
Jeudi 9 juillet : le curé n’a plus un rond mais veut quand même que quelqu’un entretienne l’église pour que les fidèles qui viennent chaque jour à tour de rôle ne se contaminent dans la maison de Dieu. Ce jour là, dans le village, nous croisons un colombien que nous aimons bien qui, tout content, nous annonce qu’il est devenu l’homme de ménage de l’église. Il rayonne tellement de joie que je finis par lui demander si le job est si bien payé que ça, pour qu’il soit si heureux. Et là, nous passons pour des imbéciles quand le gars nous répond avec une candeur parfaite : « mais non, je ne suis pas payé ! En dédommagement, le curé me donne le droit d’assister à la messe tous les jours si je fais le ménage de son église !! ». Ah ouais … quand même ! Je savais que le troc avait de nouveau cours dans le village, mais de là à troquer le droit quotidien d’assister à la messe contre de bons et loyaux services, fallait y penser hihi. Il est pas con le curé ! Quant à nous, nous choisissons d’aider notre colombien en monnaie sonnante et trébuchante. Méthode plus conventionnelle, certes, mais sûrement plus efficace contre la faim non spirituelle.
… C’était d’ailleurs peut être pas une bonne idée car, depuis, tous les matins il m’inonde de bénédictions virtuelles sur mon Whatsapp. Aaaaarf ! Je n’en demandais pas tant !
ÉPISODE 15
RECONFINEMENT ?
VOUS AVEZ DIT RECONFINEMENT ?!!!
Vendredi 10 juillet : la merveilleuse idée du « Dia sin IVA » (organisé une autre fois depuis la 1ère expérience) a porté ses fruits au delà de toute espérance : la Colombie qui avait super bien résisté à l’épidémie a vu le nombre de ses cas de conarovirus exploser ces 15 derniers jours. Même dans l’exemplaire Antioquia, la proportion de contaminés a doublé. Je n’aurais que deux mots pour notre Président : PAS BIEN !!!
Samedi 11 juillet : ce matin là, en entendant la mairesse de Bogota annoncer un reconfinement total de certains quartiers de sa ville jusqu’au 16 août, je commence à prendre un peu peur pour notre demie liberté si durement acquise à Guatapé. Je me rassure en me disant que Bogota, c’est loin… Puis, quand je constate que Medellin change son pico y cedula pour les semaines à venir, en n’autorisant plus qu’une sortie par semaine à ses habitants, je commence à sérieusement m’inquiéter. En toute bonne logique, dans cette spirale de bonnes nouvelles, notre maire bien aimé ne devrait pas tarder à pointer le bout de son museau sur Facebook pour nous porter l’estocade finale… 18h45 : le voici ! Il a l’air dans sa forme des grands jours du mois de mars. Prenant une tête de circonstances, il nous annonce (comme je m’en doutais, cf. plus haut) que nous avons de nouveau au-moins un cas de conarovirus dans le village. Le suspens est à son comble ! Va-t-il ré-enfermer tous les habitants du village alors qu’il laisse généreusement venir les medellinois profiter de leurs maisons de fin de semaine chaque WE ? Va-t-on encore payer pour l’inconséquence des autres, nous qui avons été collectivement si vertueux dans le respect de cette quarantaine ?
Dimanche 12 juillet : l’étau se resserre.
A 14 heures, le maire de Guatapé ne s’est toujours pas prononcé sur notre sort collectif, mais, à Medellin, le maire en accord avec le préfet vient de reconfiner totalement et pour 15 jours tout le centre-ville. Retour à la case départ.
20 h: la mairie de Guatapé change une nouvelle fois les règles du jeu pour la semaine à venir et, comme toujours, à la dernière minute histoire que nul ne puisse s’organiser. Alors que nous pouvions sortir un jour sur 2 en famille, retour à un seul jour de sortie par semaine et par personne. Nos placards et frigos sont vides puisque nous pensions faire nos courses le lundi matin. Si on ne triche pas, il va nous falloir attendre jusqu’au jeudi pour pouvoir nous ravitailler. Je suis folle de rage comme jamais je ne l’ai été en 4 mois. FOLLE DE RAGE ! Depuis le 15 mars nous n’avions goûté qu’une demie journée d’évasion hors de Guatapé, la semaine précédente. Et voilà que nous sommes à nouveau bouclés autoritairement. Pendant ce temps, en France, le maire de Nice organise un festival de musique où des milliers de participants s’éclatent sans respect d’aucune mesure sanitaire… Qui a tort ? Qui a raison ???
Lundi 13 juillet : il y en a qui prennent prétexte de sortir leur chien pour pouvoir mettre le nez dehors « légalement ». Moi, je décide de sortir mon fils dans le village de 15h à 17h, comme il en a la possibilité, pour aller faire des courses. Je n’ai normalement pas le droit de rentrer dans les commerces, mais on ne va pas sucer des cailloux toute la semaine !!! On voit bien que les mecs qui décrètent les jours de sortie n’ont aucune conscience des réalités quotidiennes ! Je rentre chez moi les bras chargés de victuailles, des fois qu’ils changent encore les règles d’ici mon jour de sortie officielle !
18h30 : si je n’étais pas d’aussi mauvaise humeur, je poufferais en regardant la nouvelle intervention du maire sur FB (on ne l’arrête plus !). Filmé dans la rue, il essaye de nous annoncer que nous avons désormais 3 cas de conarovirus dans le village. Mais, c’est sans compter sur la Sainte Vierge qui se balade partout dans le village, dans la benne de son pick-up, hauts-parleurs à fond la caisse. Du coup, on ne sait plus très bien si cette intervention divine est bien ou mal venue. En tout cas, elle lui coupe la chique. On n’en saura pas plus pour ce soir.
14 juillet : feu d’artifice folklorique d’ordres et contre-ordres politiques :
- Le Président colombien : « la quarantaine intelligente doit se poursuivre et l’économie doit continuer à être activée » (autrement dit, que ces blaireaux aillent bosser et consommer ! Je veux voir voir chauffer les cartes bleues !).
- Les médecins : « La situation est catastrophique ! Il faut ré-enfermer tout le monde en Colombie ! »
- La mairesse de Bogota : « le pic de la pandémie engorge les hôpitaux, j’organise un confinement très strict par roulement entre les quartiers de ma ville du 13 juillet jusqu’au 16 août ».
- Le maire de Medellin : « soyons des pionniers dans le monde : confinons très strictement tout le monde chaque semaine de la pandémie, du vendredi matin au dimanche soir, et laissons les gens aller bosser les autres jours »
- Les villages autour de Guatapé : aucun consensus dans un rayon de 25 bornes à la ronde : ici on laisse vivre les gens normalement, là, on reconfine tout le monde strictement
- Guatapé : « nous étudions la possibilité d’un strict reconfinement pour la 2ème quinzaine de juillet … »
- L’OMS : « trop de pays vont dans la mauvaise direction ». « Les messages contradictoires des dirigeants sapent l’ingrédient le plus essentiel de toute réponse : la confiance ».
- Nous :
15 juillet (mercredi) : c’est énorme ! En organisant cette nouvelle modalité de confinement (soit 4 jours travaillés, 3 jours enfermés ou 3 jours travaillés, 4 jours enfermés), le maire de Medellin vient, sans le savoir, de créer la plus stupide mesure de l’univers du conarovirus ! Pensant que les gens resteraient bien sagement dans leurs appartements citadins chaque WE, il a juste oublié qu’une bonne partie des riches migrerait chaque fin de semaine, avant l’interdiction de circuler, dans les campagnes environnantes, trop contents de bénéficier de WE à 3 ou 4 jours ! Ce 15 juillet, alors que le confinement ne doit commencer que le lendemain 16 à minuit, une quantité de medellinois afflue à Guatapé. Avec le virus, of course ! Pour cela, ils ont triché, prétextant avoir un permis pour venir ou payant carrément les policiers aux barrages jalonnant le trajet. Le conarovirus est un bon business pour tous ceux qui savent s’asseoir sur leur conscience.
16 juillet : je regarde par la fenêtre des insouciants citadins-vacanciers-hors-la-loi faire du ski nautique sur le lac et ne respecter aucune règle. Hier, nous avons encore donné 50 000 pesos à un colombien du village pour qu’il se fasse soigner et 80 000 autres pour faire recoudre un chien qui venait de se faire dévorer. Ce matin, j’ai apporté un gros plein de courses à une voisine qui meurt de faim. Cet après-midi, j’ai offert plein de fruits du jardin à 2 vénézuéliennes que nous connaissons. L’une d’elle s’est mise à sangloter car si le maire nous réenferme pour 15 jours, elle et sa famille seront sans aucun revenu, ni aucune aide. Une autre amie arrive, bouleversée, car on va lui couper l’électricité faute de pouvoir payer ses factures. Je me mets presque à pleurer à mon tour, en promettant d’aider au mieux chacune… Mais jusqu’à quel point pourrons-nous soutenir financièrement tout ce monde ???? C’est comme vouloir arrêter un tsunami avec ses mains … Je me sens hyper mal. Pendant ce temps mes voisins continuent leur tour en ski nautique. Eux au-moins, ils ont l’air de bien se marrer.
Vendredi 17 juillet : coup de théâtre ! Alors que tous les indicateurs sanitaires sont au rouge foncé, le maire renonce à nous reconfiner strictement. C’était tellement injuste et stupide de laisser les vacanciers faire ce qu’ils veulent pendant que les villageois sont punis de sorties, que l’idée est pour le moment abandonnée. La révolution villageoise était de toute façon entrain de couver. D’un point de vue émotionnel, ce sont les montagnes russes. D’un point de vue pratique, le chaos est encore une fois total.
Samedi 18 juillet : nous apprenons que le coiffeur de Guatapé a été testé positif au conarovirus. Comme il n’a jamais respecté le moindre enfermement depuis le mois de mars, avec la bénédiction de la mairie, il a potentiellement contaminé des dizaines de personnes dans le village. Dont nos amis Claudia et Gerardo qui ont été placés en stricte quarantaine en attendant d’avoir le résultat de leurs tests. Mais il y a mieux : le maire de Guatapé, Kim-Jong III, est lui aussi diagnostiqué positif. Faut-il en rire ou en pleurer ?
Pendant que tout le monde s’inquiète à propos de la santé collective, la contamination du village par les irrespectueux medellinois en vacances se poursuit à bonne allure, avec la bénédiction de la police qui ne verbalise jamais les riches, mais plutôt les pauvres pêcheurs du coin qui crèvent la dalle. La Colombie a eu son « Covid Friday » il y a un mois. Aujourd’hui, en plein pic de l’épidémie et par sa négligence, Guatapé laisse à son tour s’organiser sur son territoire une « Covid fin de semana »… Résultats dans 15 jours !
Et maintenant ? Vu le relâchement total des gens et des contrôles sur « ceux qui peuvent payer », il n’y aura pas d’amélioration de notre situation sanitaire et sociale dans le mois à venir. C’est doublement triste car notre strict enfermement n’aura servi qu’à démolir les plus pauvres et à retarder notre contamination collective désormais inéluctable. Il y a 3 ans jour pour jour, nous quittions la France pour nous installer en Colombie ! Il y a 4 mois, nous entrions en quarantaine : 121 jours que nous sommes enfermés dans le village ou à domicile. Un tiers d’année ! Espérons que dans un mois, quand je publierai mon nouvel article, aucun de nous 3, de nos amis ou des villageois n’aura été davantage contaminé par le conarovirus … Qui vivra verra !
Affaire à suivre !
Muy biiiiien cet article ! Merci ! J’ai à la fois bien ri et me suis informée, que demande le peuple ?! Bon courage pour la suite ! La situation n’est drôle pour personne malheureusement en ce moment…
merci beaucoup !
Super bien écrit avec un ton humoristique excellent. Bravo
On part en tour du monde dans moins de 40 jours et on avait fait de la Colombie un de nos pays coup de cœur…
Merci ! Beau voyage à vous et … passez nous voir si un jour les frontières ouvrent de nouveau !