Rada Tilly, Puerto San Julian, Puerto Santa Cruz, Rio Gallegos
A l’heure où je finis d’écrire cet article (débuté en milieu de semaine dernière), nous ne sommes que très peu au courant des évènements qui touchent la France. Samedi après-midi, alors que nous étions à des dizaines de kms de tout endroit habité, des argentins ont pris une mine de circonstance pour venir nous annoncer (je cite) que « des évènements effroyables » touchaient la France, des attentats ayant fait des dizaines de morts. Sans être capable de nous en dire plus. Alors que toute la planète est au courant dans les moindres détails des malheurs qui s’abattent sur notre pays, nous n’en savons pas davantage ce dimanche soir, ne disposant d’aucun moyen pour nous informer (du téléphone à internet, de la radio à la télé …). Il ne nous tarde cependant pas de découvrir tous les détails sordides que les médias doivent brasser jusqu’à l’écoeurement, pas plus que les « commentaires autorisés » des pseudos-spécialistes ou de nos hommes politiques. En ce sens l’éloignement a du bon.
Certains d’entre vous ont peut-être pensé que nous étions sacrément veinards d’échapper à des circonstances aussi tragiques. Mais nous, au moment où nous apprenons ces nouvelles, avons surtout un immense sentiment de tristesse, d’isolement, d’incertitude et d’impuissance. C’est un peu comme si nous étions au bord d’un rivage et qu’un bateau plein de potes coulait au large sans que l’on sache qui est dedans, ni comment les aider … Pauvre monde !
Le coeur n’y est pas forcément, mais je vais quand même vous relater en quelques mots et photos la semaine qui vient de s’écouler. Ne serait-ce que pour tenter de distraire les quelques personnes qui nous font l’amitié de nous suivre. Plutôt que de pleurer à côté des autres, autant essayer de les faire sourire. C’est aussi une minuscule façon de dire m… à la barbarie. Voici donc un peu d’air frais en provenance d’Argentine, une fenêtre sur autre chose …
Nous sommes désormais tout en bas de l’Amérique du sud. Enfin presque puisque nous sommes à Rio Gallegos dernière ville côtière argentine avant la Terre de Feu…
Du vent, des vitres et des plages…
Pour arriver dans le grand sud, nous avons filé à vive allure depuis Cabo dos Bahias sur l’une des routes nationales sillonnant le pays. Ce lundi, il fait beau et chaud et nous sommes pressés de rejoindre l’océan, éloignés que nous sommes désormais de lui. La route s’étend à perte de vue dans la steppe et le vent souffle très très fort, nous bousculant presque comme des fétus de paille. En sens inverse, de nombreux camions roulant aussi vite que possible nous croisent, occasionnant un très fort appel d’air à chaque fois. Je plains de tout cœur ceux circulant à moto ou à vélo !
Un camion, dix camions, cinquante camions … Le 51ème sera fatal. Nous frôlant de trop près, il provoque un appel d’air si fort que … le double vitrage de la fenêtre de la salle de bain est brusquement happé et s’envole dans les airs pour retomber lourdement sur la chaussée !! La scène est digne d’un bêtiser ! Nous voilà bien !
Jérôme se met debout sur les freins, se gare comme il le peut sur le bas de côté de la route et, au milieu du trafic et des violentes rafales de vent, part à la recherche de notre fenêtre. Qu’il retrouve brisée en plusieurs morceaux. Heureusement, il reste la « première couche » de la fenêtre qui tient encore miraculeusement au fourgon par ses charnières. Mais pour combien de temps ?
Direction en urgence la prochaine grande ville, Comodoro de Rivadaria. Nous la trouvons moche (comme toutes les villes argentines) et très embouteillée, et décidons de rejoindre la petite ville de Rada Tilly dans sa proche banlieue. Bonne idée. L’endroit est chic et joli et nous décidons de bivouaquer sur la corniche devant l’océan, bien que cela soit interdit. L’indifférence des 8 bagnoles de flics passées devant nous, nous permet de conclure que l’interdiction est très relative !
Il reste le problème de la fenêtre à résoudre, puisqu’elle ne tient plus que par 2 bouts de ficelles et de scotch ! Le lendemain, Jérôme décide de la réparer avec les moyens du bord. Victoire ! Après deux heures de collages en tous genres, de rafistolages et autres ajustements, elle a de nouveau l’air de tenir au fourgon ! Nous verrons bien dans les jours ou les semaines à venir si la réparation tient le coup ou s’il faut la faire condamner … Pfff … quel vent !!
Malgré tout, nous passons la journée du 11 novembre et une partie de celle du 12 en bord d’océan sur la plage. Il fait super chaud et Charles se réjouit de jouer dans le sable ou dans l’eau !
Les héros de Puerto San Julian
Il fait si beau et si chaud à Rada Tilly qu’il finit par devenir impossible de rester sur la plage sans prendre une insolation. Pas un arbre en vue, pas un endroit pour se protéger. Il est temps de s’en aller voir plus loin avant de finir à l’étage des grands brûlés de l’hôpital le plus proche.
Petit inconvénient argentin : la prochaine zone habitée (la carte Michelin ne nous permet généralement pas de savoir à l’avance s’il s’agit d’une ville, d’un village ou d’une station service entourée de 3 maisons) ne se trouve jamais à 15 kms de l’endroit où tu es mais, au mieux à 150 kms de piste en ripio bien poussiéreuse ou, au pire, à 300 bornes de nationale asphaltée à travers la steppe. Bref, pas à côté du tout ! Du coup, tu sais quand tu pars, mais jamais quand tu arriveras !
Après des heures de route d’un ennui mortel, seule une station service ayant égayé notre trajet, nous arrivons à Puerto San Julian, petit village assez joli. Ici, on rend hommage à deux types de héros : Magellan qui accosta ici en 1520 et, dans un style différent, les soldats morts pour les Malouines.
Finalement, la reconstitution du premier bateau ayant réussi à faire un tour du monde, le Neo Victoria, entre 1519 et 1522, enchantera davantage Charles que le Mirage 5 « Dagger » héro des îles Malouines. On n’imagine pas à quel point ces bateaux qui partaient braver les océans étaient petits ! Ils sont là les vrais aventuriers qui partaient braver les océans avec une presque certitude de ne jamais revenir !
Le vent soufflant de plus en plus fort, nous choisissons une nouvelle fois de lever l’ancre pour un autre port, profiter de l’extérieur étant presque impossible.
Puerto santa Cruz et le parc Monte Leon
150 kms plus loin … Zzzzzz… avec 120 kms/h de vent en rafales, nous arrivons un peu plus bas encore en Patagonie. Bonne nouvelle, la fenêtre est toujours solidaire du fourgon.
Nous partons visiter le parc naturel de Monte Leon qui offre une approche très intéressante de la faune et de la flore locale. C’est en sortant de la pinguineria que nous apprenons l’atroce nouvelle concernant la France, plombant très sérieusement l’ambiance du WE.
Nous décidons néanmoins de poursuivre notre visite, ne pouvant rien changer à rien. De toute façon, nous sommes physiquement totalement isolés et dans l’incapacité de nous rendre rapidement dans un lieu habité pour en savoir plus…
Le site est superbe.
Les animaux terrestres et maritimes abondent. Des pingouins, des lions de mer, de nombreux goélands et cormorans, mais aussi des guanacos, des petites autruches sauvages et … des pumas. Par chance, nous ne tomberons pas sur ces derniers !
La steppe est fleurie, nous permettant de la voir sous son meilleur jour.
A marée basse d’autres surprises nous attendent encore.
Le site offre des vues très spectaculaires sur la loberia et sur une île habitée par des milliers de goélands et de cormorans !
On croise même des émanants.
Il fait beau quand nous nous couchons dans l’endroit du parc pompeusement appelé camping. Nous nous réveillons sous une pluie battante. Le garde du parc vient nous avertir que la piste est impraticable. Il faudra attendre là où nous sommes, sans certitude de pouvoir en ressortir le jour même. Problème : nous sommes presque à cours de provisions, d’eau et de batterie pour le chauffage… Or, dehors, il fait désormais très froid. Le ciel est bas et de la neige fondue succède à la pluie. Comme si la météo s’était mise au diapason du moral des français … Une accalmie nous permet fort heureusement de nous échapper du parc, sous escorte des gardes.
Les 200 kms qui nous séparent de la prochaine ville, Rio Gallegos, sont interminables. Nous affrontons le vent qui souffle fortement et surtout des tempêtes de neige qui, pour être de courte durée, n’en sont pas moins pénibles. Bienvenue dans le sud !! Quand je pense que 5 jours auparavant nous étions en maillot de bain sur la même côte Atlantique …
Une question se pose désormais à nous : continuons-nous la descente de l’Argentine jusqu’à Ushuaïa ou renonçons-nous à y aller ? Beaucoup d’arguments militent en faveur d’une poursuite de la route jusqu’au bout du monde, dont celui de pouvoir dire « nous y sommes allés ». Pourtant, d’autres militent en sens inverse, dont celui du trajet encore long à faire dans des conditions climatiques extrêmes. A peser le pour et le contre, nous avons finalement décidé de passer notre chemin et de ne pas aller en Terre de Feu, d’autant que le concept marketing autour d’Ushuaïa ne nous séduit pas du tout. Aucune envie de passer le jour de l’an là-bas avec tous les backpackers de la planète.
Donc, notre décision est prise. Après Rio Gallegos, nous passerons la frontière chilienne pour nous rendre dans la province des Magallanes qui est située à peu près à la même latitude que la Terre de feu (que cette dernière soit argentine ou chilienne, puisque c’est une île divisée en deux par une frontière). Direction Punta Arenas. Quand nous serons là-bas, nous n’aurons jamais été aussi loin de chez nous …
Coucou les Voyageurs ! Merci pour les photos et les commentaires, ça fait une agréable coupure 😉 Ici, nous allons bien. On s’organise. Profitez bien et continuez d’explorer 😉
Bises
C’est toujours un régal de lire les récits et de contempler les photos de votre aventure. Même quand il s’agit de détails ménagers … 😉 La consultation de la carte de trekking avec ces points de signalisation réguliers nous donnent un peu l’impression de vous suivre de tout près. Gros bisous à tous les trois. Bon vent ! (En espérant qu’il vous laisse quand même un peu de répit).
bonjour,
Ushuaia vaut surtout par son parc naturel, mais par beau temps et ce n’est jamais certain
si vous remontez par le Chili, à Punta Arenas, on peut acheter un « pass » pour tous les parcs du sud chili, demandez « la CONAF »
Belles photos de ces régions extrèmes
Bonne suite
Christian et Armelle
Des images spectaculaires Valerie. C’est tjrs un plaisir de s’échapper un peu du quotidien pour pouvoir te lire… Bonne route pour la suite.. ( dirait-on que le mistral du sud veut vous suivre?!). Bisousss
Meme si ce n’est pas toujours du reve pour vous par les deboires qui peuvent vous arriver, pour nous c’est toujours un moment agreable a vous suivre dans votre periple, on en prend plein les yeux, c’est top ici le temps s’est mis au grand froid pour quelques jours -3 ce matin et gelee blanche… a tres bientot, gros bisous a vous 3