Et l’Amérique inventa la nature prête à consommer…

Moab, Arches National Park, Canyonlands National Park, Dead Horse Point State Park

 

Nous voici repartis de Salt Lake après une bruyante nuit passée sur le parking d’un supermarché Wallmart. Pas question de repasser une seconde nuit avec la police mormonne à nos trousses !

Nous prenons la route plein Est afin de nous rendre dans les parcs nationaux de l’Ouest-américain les plus connus du monde. Rouler aux USA a quelque chose de reposant : les routes sont goudronnées, larges, jalonnées de nombreux panneaux indicateurs et de feux aux croisements, les américains sont maîtres de leurs véhicules … Le rêve …

Ou presque. Alors que nous franchissons un col, une tempête de neige fondue s’abat sur nous, nous contraignant à ralentir l’allure. Ce que les camions américains, qui nous doublent à plus de 130 kms/h, trouvent débile. Tous nous dépassent en trombe, klaxonnant furieusement au besoin pour bien nous faire comprendre que rouler à 90 sous la neige est une pure hérésie nuisible à l’économie nord-américaine. Ici, time is money

 

La nature comme bien de consommation ?

 

Nous arrivons à Moab, Mecque des sports « tout-terrain », en début de jeudi après-midi. Le temps est exécrable mais l’endroit est bondé. Convaincus qu’il n’y aura pas grand monde au Parc National des Arches, nous nous hasardons jusqu’à l’entrée. Une impressionnante file de bagnoles fait la queue pour pénétrer sur le site. Mais que se passe-t-il ici ? Il y a des soldes sur les arches ? On brade l’entrée … ?

 

Un temps à ne pas mettre un touriste dehors

Ou alors bien couverts

 

Nous pénétrons à notre tour dans l’enceinte du parc national. Nous sommes français et habitués aux parcs nationaux gratuits et en accès libres. Vous savez, ceux que l’on visite à pied après avoir garé sa bagnole sur un parking dans la montagne. Nous sommes aussi sud-américains et habitués aux parcs nationaux payants du Chili et de l’Argentine. Vous savez, ceux que l’on visite à pied après avoir réglé son droit d’entrée et parcouru une longue piste de ripio ondulado bien poussiéreuse. Mais nous ne sommes pas nord-américains habitués aux parcs nationaux payants et transformés en bien de consommation ordinaire. Whaou ! Quel choc !

 

Nous nous glissons donc dans l’immense file de bagnoles qui part à l’assaut de la montagne. Punaise, pas question de traîner. Nous sommes pris dans un flux qui n’a pas de temps à perdre. Je suis morte de rire en pensant au traumatisme que subiraient des colombiens en visite ici : toute tentative de selfies à des endroits non validés par l’administration fédérale serait très mal perçue !

 

Heureusement tout est prévu ! L’Amérique a inventé le « drive de la nature ». Chaque endroit stratégique est accessible par une belle route goudronnée et, s’il était possible de choisir sa place de bagnole sur les parkings (petits et bondés +++), on pourrait presque photographier les curiosités naturelles sans en descendre. Qu’est-ce que c’est pratique ! Mais qu’est-ce que ça manque de charme !!!

 

La preuve : arches prises au 300 depuis le parking !!

 

Des flots interrompus de touristes de toutes nationalités parcourent donc au pas de course les quelques mètres de sentiers qui les séparent des arches. Quel stress ! Une fois encore pas question de flâner…

 

Fatigués, nous rebroussons chemin sans avoir vu grand-chose.

 

La nature comme dans un film…

 

Le lendemain, direction Canyonlands … à ne pas confondre avec Disneyland.

 

 

Nous y sommes très tôt et l’endroit est presque désert.

 

 

Et pour cause ! La brume de la nuit tarde à s’estomper.

 

 

Bon, le principe est le même qu’à Arches National Park. Si tu n’as pas envie de te fatiguer à pied, Uncle Sam à tout prévu.

 

 

Comme nous ne sommes pas pressés, nous patientons. Chaque parc est lié à une référence cinématographique. Ici et à Dead Horse Point, c’est Thelma et Louise. Pour être franche, je me fous éperdument de savoir où les deux copines ont jeté leur bagnole dans le vide, je voudrais seulement voir à quoi ressemble le paysage !!

Miracle, le soleil apparaît ! C’est beau !

 

Nous partons donc en promenade. Uncle Sam a encore tout prévu. Les sentiers sont bien balisés et à chaque départ, des panneaux te rappellent de bien prendre ta casquette, ton eau, ta crème solaire … De ne pas pas marcher sur les jolies petites plantes, de ne pas dégrader le paysage, de ne pas nourrir les animaux … La liste d’interdictions est impressionnante.

 

 

Je suis sceptique. De toute évidence les USA ont tenu à rendre leurs parcs nationaux accessibles au plus grand nombre, mais d’un autre côté, des interdictions sont posées partout afin de contenir l’afflux du tourisme de masse …. Evidemment, me direz-vous, sinon tout serait massacré. Certes … Mais dans ce cas à quoi bon laisser entrer autant de monde ?

L’après-midi s’achève. Comme il fait beau, nous souhaitons saluer une dernière arche avant de quitter les lieux. Horreur ! Le site est saturé de perches à selfies ! Chacun attend patiemment son tour pour prendre en photo sa bobine devant l’arche. Le paysage est sublime, mais 99 % des personnes présentes lui tournent le dos pour se prendre elles en photo … Bref, on a du mal avec le tourisme de masse et ses réflexes abrutis. Heureusement que les drones sont interdits car on ne serait plus dans un remake de Thelma et Louise, mais de Star Wars !!!

 

 

Et ça continue encore et encore …

Je vais faire hurler les américanophiles et ceux qui rêvent de venir jusque-là, mais clairement nous n’avons pas de coup de coeur pour ce que nous visitons. Les paysages sont objectivement incroyables et grandioses, mais le fait que les sites croulent sous le monde nous fait horreur. Et ils croulent vraiment sous le monde !! Qu’est-ce que cela doit être en saison !

 

 

Le lendemain nous partons visiter le dernier parc du coin, Dead Horse Point State Park. Un peu moins fréquenté car il est payant en dehors du pass annuel. C’est sûrement celui dont nous nous souviendrons le plus, puisque nous y rencontrons une très sympathique famille de voyageurs avec qui nous passons l’après-midi et la journée du lendemain à parler voyages… Enfin un peu d’humain dans ce monde minéral !

 

 

Nous nous rendons compte à ce moment que visiter « tous » les parcs n’a aucun intérêt. D’abord, parce qu’ils se ressemblent beaucoup. Ensuite, car envisager la nature comme une suite de biens de consommation dont il faut se gaver pour amortir le déplacement, n’a aucun sens pour nous. Enfin car visiter trop de parcs ne nous laissera aucun souvenir de chacun d’eux en particulier, surtout s’ils ne sont pas liés à des rencontres humaines permettant de les resituer dans un contexte.

 

 

Nous décidons donc de changer de programme pour les semaines à venir et de rechercher des endroits loin des Tours Operators (pour la blague, à ce moment-là nous n’avions encore rien vu !!! Delicate Arch et Antelope Canyon ont fini de nous tuer …)

 

Petite chose géniale, quand même, le soir venu nous nous installons dans un bivouac « sauvage » (entendez en dehors d’un camping, le terme sauvage étant un peu galvaudé!) au milieu de nombreux immenses « RV » (comidizici aux States pour désigner les camping-cars). Jamais nous n’aurions fait ça en Amérique du Sud, trop certains de ne pas fermer l’oeil de la nuit ! Ici, à 20 h, tout le monde est couché et nul ne berce ses voisins par sa démentielle sono ! Excellent !!!

 

 

Dimanche, nous décidons quand même de retourner au Parc National des Arches histoire d’achever sa visite. Le délire de monde est toujours le même. Nous touchons cependant du doigt (ce que nous pensons alors être) le summum de la consternation en fin d’après-midi. Comme nous n’avions pas eu le temps d’y aller avant, nous mettons le cap sur la « Delicate Arch ». Je suis sure que vous la connaissez, regardez :

 

 

Les bus déversent des flots de touristes qui, tous, veulent voir l’Arche au coucher du soleil. Pour une fois le site se visite à pied et une longue file indienne de bipèdes pressés s’achemine en procession jusqu’à l’Arche. Pas d’autres choix que de se joindre à eux. Une espèce d’hystérie collective pousse les gens à accélérer de plus en plus, ce qui une fois encore nous empêche de musarder sur le chemin. A notre arrivée au sommet nous sommes tout aussi éberlués par la beauté du site que par le nombre de personnes présentes à nos côtés. Et l’histoire des selfies et des « poses instragrammable » recommence. Tous les asiatiques veulent leur photo sous l’Arche. Certains photographes se mettent à leur hurler dessus pour qu’ils se barrent, mais le tsunami asiatique n’a pas de fin ! Incroyable spectacle !

 

 

Incroyable société, surtout, où beaucoup de gens ne semblent plus voyager pour découvrir, mais pour prouver aux autres qu’ils y étaient ! Qu’ont-ils vu ou retenu ? Probablement rien car visiter un pays en lui tournant le dos n’a aucun sens.

 

Une heure plus tard … Et sans trucages hihi

 

Le meilleur dans l’inattendu !

 

Moab et ses parcs nous ont donc gonflé. Inutile de vous dire que ce n’est pas ici que nous avons pu tisser des liens avec des autochtones hihi. 

 

 

Nous sommes partis en direction du sud. Et là, loin de tout parc national 3 étoiles, nous avons découvert la petite ville de Bluff qui met en valeur son patrimoine culturel en lien avec les pionniers mormons partis créer de nouvelles colonies en terres indiennes. Un chouette endroit (gratuit) à visiter avec toutes les explications en français. Enfin un peu d’humanité dans ce monde minéral !

 

 

Un peu plus loin, un joli fond de canyon nous arrête. C’est exactement ce genre d’endroit qui nous plaît ….  😛 . Et si on restait là 3 semaines ?

 

 

A suivre …!

 

 

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