Avec ses « Zócalos » Guatapé réinvente le street-art et devient le village le plus coloré de Colombie !

Guatapé

 

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En quelques années Guatapé est devenu une destination touristique incontournable en Colombie. Bien sûr son lac et l’immense rocher le surplombant  y sont pour quelque chose. Mais, ce sont surtout ses « zócalos » et son street-art qui rendent ce petit village unique en son genre!

 

Ses « zócalos » ? Littéralement et en français ses plinthes ! En l’espace d’un siècle ce petit village agricole a su se réinventer en adoptant et en généralisant à toutes ses maisons une forme de street-art très originale qui lui vaut aujourd’hui le titre de « village le plus coloré du monde » (restons modestes :mrgreen: :mrgreen:).

 

Voici 9 mois que nous y vivons. Il me semble donc que consacrer un petit article à notre village d’adoption et à ses fresques murales s’impose !

 

Mairie

 

Cette tradition, consistant à orner le bas des façades extérieures des maisons de frises en relief,  date en réalité d’une centaine d’années. Elle a une origine incertaine. Certains se plaisent à dire que les enfants seraient indirectement responsables de cette « fortification » du bas des murs afin de protéger ces derniers des impacts causés par leurs jeux de balles en cristal (1). D’autres soutiennent qu’il aurait plutôt s’agi de protéger les maisons contre la terrible humidité de l’Antioquia (2).

 

 

 

Dans les faits, on attribue leur création à José María Parra et à son épouse Isadora Correa qui, chaque année pour Pâques, décoraient le « Corpus Cristi » et décidèrent, un beau jour de 1919, de reproduire dans le vestibule (3) de leur maison quelques agneaux Pascal (4). Les voisins, emballés, demandèrent ensuite à JM Parra de décorer leur propre maison.

 

 

La tradition s’est ensuite perpétuée passant des vestibules à la rue et des rues aux places.

 

 

Comme le souligne Alvaro Idarraga Alzate (6),  les 50 premières années furent marquées par la création d’une douzaine de motifs seulement. Ils sont aujourd’hui considérés comme les thèmes originaires nés de l’imagination de leur fondateur J.-M Parra. Tous possèdent une dimension (80 cms de haut x 80 cms de large) et une structure identiques : 1) une corniche , une séparation et une bordure horizontales au niveau supérieur , 2) au niveau intermédiaire, le motif en tant que tel, lui-même séparé de son voisin par une colonne, 3) au niveau inférieur, une petite marge séparant le motif de la petite plinthe protectrice existant au niveau du sol.

Essayez de suivre, un peu :mrgreen: ! Je récapitule en photos :

 

 

 

 

Le premier motif fut donc un mouton !

 

 

La seconde source d’inspiration furent des figures géométriques conçues autour du parallelogramme.

 

 

Exactement comme ça !

 

Les suivantes s’organisèrent autour de lignes plus ou moins épaisses. D’abord disposées sous forme de croix, puis de façon de plus en plus complexe pour donner des formes triangulaires ou de papillons.

 

 

 

 

Vinrent ensuite des « croix de grenade » et des figures géométriques plus complexes.

 

 

 

Bien que les zócalos peints existent et ornent un certain nombre de murs, la plupart sont en relief.

 

L’artiste au boulot

Contre exemples de zocalos peints

 

 

En effet, dès l’origine, les créateurs des zócalos décidèrent de leur donner une forme en travaillant le ciment. Bien qu’il se fit aider, J.-M Parra ne créa jamais « d’école du zócalo » en tant que telle. 

 

 

Zocalo en cours de réalisation

Auto-portrait de l’un des artistes réalisant les zocalos

 

 

Cette « zocalisation » du village connut une seconde vague dans les années 1970. Le village, comme son homologue du Peñol, allait être partiellement inondé en raison de la construction du barrage électrique. Les habitants, souvent agriculteurs, allaient perdre une partie de leurs terres fertiles et de leurs habitations. En 1979, les leaders politiques de l’époque décidèrent d’organiser une grande fête (Fiesta del retorno) afin d’attirer l’attention du pays sur le sort peu enviable de leur petit village et de sortir de la crise économique et psychologique dans lequel il était plongé. Cette fête était axée autour du thème des zócalos afin de créer une dynamique collective positive et identitaire. Un groupe d’hommes et de femmes décidèrent à cette occasion de récupérer dans les rues qui allaient être inondées les zócalos les plus intéressants afin de les sauver des eaux. Ils sont aujourd’hui exposés dans la « calle de los recuerdos« .

 

Guatapé

Calle de los recuerdos

Guatapé avant l’inondation, photo pourrie d’une vieille photo pourrie !

 

C’est à cette occasion que l’on se rendit compte que les zócalos avaient évolué. On trouvait désormais des formes anthropomorphiques, zoomorphiques, géométriques et décoratives. Regardez plutôt !

 

 

 

La « zocalization » connut enfin  une troisième vague dans les années 2010.  A l’occasion du bicentenaire du village, le maire de l’époque John Jairo Martínez López (5) demanda à chaque propriétaire de maison dans le village d’orner ses façades d’un zócalo. Il transforma de la sorte le petit village agricole de Guatapé  partiellement inondé et dévasté par le barrage électrique mis en service en 1978, convoité et malmené en tant que zone stratégique par les guérillas à la fin des années 1990 / début des années 2000, en magnifique village touristique et culturel. 

 

 

Aujourd’hui les zócalos se sont diversifiés.

 

Beaucoup racontent une histoire personnelle de la famille propriétaire de la maison, faisant allusion à des temps de vies passés. Il peut ainsi s’agir de scènes pastorales, montrant des agriculteurs ou des éleveurs au travail. Ou bien montrant des fermes et des prés.

 

 

 

Dans cette catégorie peuvent être rangés les blasons familiaux :

 

 

 

 

Il y a aussi la catégorie des « privates jokes » quand un gars surnommé par ses potes « Le zèbre », fait peindre ces animaux sur son pas de porte.

 

 

 

 

Il peut s’agir de scènes plus contemporaines (ou pas) relatives aux professions exercées par les propriétaires.

 

Le lanchero

 

 

Ou à leurs passions.

 

 

Ayons une pensée émue pour les voisins de ce monsieur

 

 

D’autres ont préféré faire référence à des personnages religieux, dans un style conventionnel … ou plus original 

:mrgreen: :mrgreen: 

 

Rebelle attitude ! Le salut peut-il exister en dehors du Christ ?

 

 

Certains zócalos se réfèrent aussi à des moments historiques plus lointains, comme celui montrant des indigènes soulevant des chaises à porteurs. Ou encore montrant le « cacique de Guatapé ».

 

 

D’autres sont un hommage à des héros de livres ou bandes-dessinées :

 

 

 

 

Certains racontent l’histoire du folklore.

Les silleteros, par exemple (voir « Medellin fête les fleurs« ) : 

 

 

Ou les danses folkloriques :

 

 

 

D’autres évoquent les orchidées, fleurs nationales 

 

 

 

 

Enfin, les zócalos ont depuis quelques années une vocation publicitaire assez marquée puisque les commerces n’hésitent pas à en décorer leurs façades.

 

 

 

Quant aux débits de boissons … Disons qu’ils proposent une version assez réaliste de la vie de village !

 

 

 

Allez viens Médor ! On va faire un tour à Guatapé ça a l’air vraiment  sympa !

 

 

 

Sources 

 

(1) http://www.ewakulak.com

(2) http://www.deturismoporantioquia.com/nuevositio/

(3) Faute d’avoir eu l’autorisation de le faire sur la façade extérieure de leur maison, donc dans la rue. http://juanuribeviajes.com/en-colombia/guatape-donde-los-zocalos-cuentan-historias/

(4) http://www.eltiempo.com/archivo/documento/CMS-15320495

(5) http://www.elcolombiano.com/historico/nacho_el_zocalista_de_guatape-CYEC_158956

(6) Journal El zócalo, février 2018, p. 5.

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