L’Argentine, une petite claque dans nos museaux d’européens ?

Le temps passe et nous commençons petit à petit à prendre nos marques en Argentine, à cerner un tout petit petit petit mieux cette vaste contrée et ses habitants…

Oh ! Je ne vais pas vous raconter que nous connaissons ce pays en 3 petites semaines, que nous maîtrisons parfaitement les us et coutumes des argentins du nord, leur droit du travail, leur droit des affaires et leur droit minier  … Non, juste quelques observations de ci, de là, quelques réflexions forcément personnelles, forcément subjectives et réductrices. Forcément …. Quelques observations qui permettent aussi de s’interroger sur la France …

 

Que sont devenues nos libertés ?

 

Plus nous voyageons, plus je voyage, plus je m’interroge sur ce que sont devenues nos libertés en France et sur ce modèle occidental des droits de l’homme qu’elle promeut, comme un tribun ferait l’article de sa lessive sur un marché pour convaincre les naïfs de l’acheter. Or, à trop argumenter, à trop promouvoir, à trop vanter quelque chose, même le moins malin d’entre nous finit par comprendre qu’il y a peut-être une arnaque, que la lessive en question ne lave peut-être pas si blanc que ça …

Déformation professionnelle, me direz-vous ? Certainement, puisque voilà 20 ans que je travaille sur ces questions et que j’explique aux étudiants que « les libertés doivent être respectées par l’Etat, mais qu’il peut les réglementer afin de les rendre effectives pour tous ». De fait, en France, à force de réglementation, les libertés ont cédé face à la sécurité et l’Etat providence a transformé ses citoyens en assistés peureux de tout et privés de toute initiative. Sans parler des effets pervers du système qui a substitué une solidarité  presque exclusivement verticale (Etat, assurances) à une solidarité horizontale (dit autrement, quand vous tombez en panne dans un village inconnu en France, qui appelez-vous ? Un gars du village pour qu’il vous aide ou votre assurance ?)

Cette évidence m’avait déjà sauté aux yeux l’an dernier en Islande, pays de  liberté – non érigée en modèle dogmatique – où grosso modo (j’exagère un peu, c’est plus complexe que ça) les gens sont libres de faire ce qu’ils veulent pourvu qu’ils en assument les conséquences. Même chose cette année en Argentine où l’Etat paraît beaucoup moins présent qu’en France.

Quelle surprise pour nos yeux d’européens de constater qu’ici il est possible d’ouvrir un camping dans son jardin (essayez en France !), que ce camping peut avoir un système électrique disons … bricolé …. avec des fils en 220V qui surplombent la douche (essayez en France !), que ce camping n’est probablement pas déclaré à monsieur le fisc, ni assuré (essayez en France !). Quelle surprise de voir les habitants vendre au bord des routes des mets locaux de leur fabrication, sans une certification de monsieur le contrôleur de l’hygiène (essayez en France !). Quelle surprise de voir de véritables poubelles roulantes sur les routes, rafistolées 1000 fois, se rendre au marché du coin et des camions crachant des particules asphyxiantes à vous faire tousser pendant un quart d’heure, sans que cela n’inquiète personne (essayez en France !) !

 

L’Argentine : France des années 70 ou Maroc des années 2000 ?

 

Attention ! Je ne suis pas entrain de vous dire que l’Argentine est un eldorado où tout est parfait. Loin de là. Chacun comprend aussi qu’il y a un revers à tout ce que je viens de dire : les poubelles roulantes sont cause d’accidents, les fils électrique d’électrocutions, le retrait de l’Etat (des états devrais-je dire car c’est un Etat fédéral) de routes pas toujours entretenues, etc, etc …

Simplement, on voit aussi qu’avec un peu moins de réglementation les choses fonctionnent quand même à peu près, quitte à sacrifier un peu de sécurité et à laisser une plus grande marge d’initiative aux citoyens. Cette initiative dont nous sommes tellement privés en France, tant les procédures pour faire quoi que ce soit sont longues et complexes.

En fait, l’Argentine nous fait penser à la France des années 70, voire au Maroc, tant pour certains paysages, que pour les vieilles bagnoles de ces années là qui circulent encore, que pour l’état des infrastructures touristiques ou pour une certaine forme d’état d’esprit. Ici, la ceinture de sécurité est obligatoire, mais on ne la boucle pas. Ici, les jeux pour enfants dans les squares sont ceux de notre enfance : très hauts, pas vraiment faits pour les enfants, sans protection en cas de chute. Ici, on se moque pas mal de l’environnement : on jette tout parterre ce qui fait ressembler les endroits les plus bucoliques à des décharges en plein air. Mais, bon, tant pis (aaarg grosse claque pour nous qui essayons de respecter la nature). Ici, on peut faire bosser ses employés jusqu’à 21h s’il y a du travail, même s’ils ne sont pas très contents et que c’est pas franchement légal. Ici, on a construit de belles infrastructures touristiques. Mais c’était il y a longtemps et rien n’a été entretenu depuis, ni aménagé avec un minimum de sécurité. Ici, la carte bleue n’existe pas vraiment, on paye tout en cash. Ici, ce sont les policiers qui t’indiquent où faire changer ton argent au change parallèle … Etc, etc …

 

Bref, il y a dans ce pays une certaine forme de désinvolture, de laisser-aller, qui ferait froid dans le dos à Angela Merkel, mais qui n’est pas forcément déplaisante quand on ne fait qu’y passer (parce qu’on sent que le niveau de stress est plus bas qu’en Europe, notamment). Une forme de désinvolture qui nous rappelle qu’on peut vivre avec moins de « normes ».

 

Liberté contre sécurité ?

 

J’en ai déjà parlé plusieurs fois, le revers de la médaille, c’est le niveau assez bas de sécurité qui contraste très fort avec celui qu’un européen a l’habitude de pouvoir exiger.

Exemple : à l’est , sur les longues routes 12 et 14, les argentins conduisent comme des fous. On a vu un nombre incroyable d’accidents de voitures et d’animaux écrasés sur le bord des routes, le tout à vous soulever le coeur.

Autre exemple : il y a un risque non négligeable de se faire mordre par un chien des rues. Ici, on adore les chiens, on les laisse se reproduire, on les laisse divaguer … et croc ! ton mollet !

Clébarosaure des rues

Clébarosaure des rues

Autre autre exemple : la police des routes. Sur les routes 12, 14 et 16 que nous avons parcouru il y a de nombreux barrages de police. A quoi servent-ils ? Mystère ! Ils ne contrôlent pas la vitesse (on passe devant eux quasiment à l’arrêt), ils ne contrôlent pas les gros trafics (si j’étais un trafiquant, je ne me baladerai pas avec une tonne de cocaïne dans mon camion sachant que je vais être contrôlé tous les 30 kms sur les routes en question), ils ne contrôlent pas les permis de conduire (en tout cas, nous, on ne nous les a jamais demandés). Mais ils sont là …

Je m’arrête là. L’Argentine, pays des grands espaces, nous a déjà pas mal remué. Ce n’est sans doute rien comparativement à la Bolivie où nous finirons par aller quand le fourgon sera réparé !

 

 

 

Une pensée sur “L’Argentine, une petite claque dans nos museaux d’européens ?

  • 5 août 2015 à 17 h 00 min
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    Je suis complétement d’accord avec ce que vous dites des liberté, personnellement j’ai ressenti la même chose lors d’un voyage au Mexique…

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